more de Guillaume d’Orange, et qui cette année même, au Canada, a voulu associer malgré lui le prince de Galles au souvenir des guerres civiles irlandaises.
Il y a une étrange force et une étrange faiblesse dans cette nationalité, née du sentiment et de l’imagination, fortifiée par la souffrance, exaltée par le souvenir de l’oppression. L’Irlande est trop faible pour être indépendante, trop forte pour être assimilée, trop divisée pour former un tout. Avec un gouvernement séparé, l’Irlande est condamnée à l’oppression, avec un gouvernement uni à l’opposition. Ce qui rend la haine irlandaise invincible et impuissante, c’est que l’Irlande a été occupée plutôt que conquise ; l’antagonisme l’a toujours jetée dans un parti opposé à celui qui triomphait en Angleterre. Aux inimitiés politiques se sont jointes les inimitiés religieuses ; les unes et les autres ont produit une guerre sociale qui procède par assassinats individuels et frappe sans distinction l’Anglais, l’Irlandais, le catholique, le protestant, le maître et l’ouvrier.
Entre un caractère original, un génie particulier et une nationalité qui rend les habitans d’un même territoire aptes à se gouverner et incapables de supporter un gouvernement étranger, la différence est grande. Si l’Irlande n’était pas une île, la nationalité irlandaise serait ce qu’est la nationalité galloise ou la nationalité bretonne. Encore parle-t-on gallois dans le pays de Galles et breton en Bretagne, tandis qu’on ne parle pas irlandais en Irlande, si ce n’est dans les districts les plus reculés. Les membres du comité qui ont offert une épée au maréchal Mac-Mahon lui ont lu un discours dont l’original était écrit, dit-on, en vieil irlandais. J’ignore s’ils ont pu le traduire ; je suis sûr que peu de leurs compatriotes pouvaient le comprendre. Tout ce qu’on sait de la langue nationale, c’est : Erin go bragh ! (vive l’Irlande !) — Plaignez l’Irlande, respectez ses sentimens, demandez qu’on lui rende justice ; ne fondez pas une politique, ni même une entreprise, sur une nationalité dont la seule force est de ne pas mourir.
C’est une tâche difficile pour un gouvernement de réparer les maux causés par une oppression de plusieurs siècles, succédant à des désordres dont les commencemens sont plus anciens que l’histoire. Le matériel de la civilisation, les mœurs mêmes font défaut. Ce n’est pas en un jour que se forment des propriétaires, des fermiers, des ouvriers, que s’accumule le capital, que s’apprend la prévoyance, que s’établit l’accord entre le capital et le travail. La difficulté s’aggrave quand la révolution économique et sociale doit s’accomplir au milieu des troubles causés par des divisions de race et de religion, lorsque chacun a par devers soi le ressentiment d’injures et de crimes passés. Encore existe-t-il dans le caractère irlan-