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mêmes ; bientôt on se dit adieu en passant les uns auprès des autres, on se salue de loin du chapeau et de la main; les lignes qui couraient parallèlement s’éloignent, celles-ci à l’est, celles-là vers l’occident; les baies et les îles rappellent leurs habitans; on retrouve ses foyers, on prépare le repas du soir, que la veillée suit. C’est ici que se fait la longue lecture, et les journaux y ont leur bonne part. S’ils sont rédigés avec patriotisme, quelle influence ne peuvent-ils pas exercer sur des esprits simples et honnêtes, qui se concentrent dans un cercle d’idées peu étendu, mais qu’une vie énergique maintient sans cesse dans le respect du devoir et du droit!

Les organes officiels ou prétendus tels du gouvernement de Saint-Pétersbourg nuisent à la bonne réputation de ce gouvernement en même temps qu’à celle de tout un peuple en parlant et agissant de manière à faire croire à l’Europe trop peu instruite que ce peuple est dédaigné ou mérite de l’être. Il est bien vrai que la grande-principauté de Finlande n’a pas eu toujours à se louer de l’administration russe pendant le règne de l’empereur Nicolas. Il est vrai qu’actuellement encore, — bien qu’en Russie, comme nous le disent expressément les feuilles semi-officielles, la presse périodique ne dépende en aucune manière de l’administration, — en Finlande le gouverneur-général, M. Le comte de Berg, exerce à tort ou à raison un souverain pouvoir sur les journaux, étouffant les uns à leur naissance, supprimant les autres, arrêtant certains articles, etc. Il est vrai que, la grande-principauté formant une nation, un état politique à part, dont l’empereur de Russie est le grand-prince, ayant des douanes et une monnaie particulière[1], la convocation constitutionnelle de ses états ou de sa diète se fait pourtant attendre et regretter depuis 1809. Tout cela n’empêche pas cependant, grâce à l’énergie des Finlandais, que le gouvernement russe ne respecte en une certaine mesure leur autonomie. Les efforts qu’on a faits pour introduire dans toutes les écoles l’enseignement de la langue russe n’ont pas réussi; l’armée nationale a conservé le privilège de ne point être appelée hors du pays. La Finlande enfin, après avoir subi encore depuis 1809 quelques mauvais jours, a fondé des espérances, qu’on aime à croire légitimes, sur le règne d’Alexandre II ; elle demande, pour l’honneur de ses maîtres et pour son honneur à elle-même, qu’on la respecte aux yeux de l’Europe, avec laquelle, bien que d’une race différente, elle entre en communion d’idées et d’intérêts; elle a sa vie propre, indépendamment du costume officiel qui la couvre, et elle invoque, pour se faire reconnaître, sinon les chancelleries et les cours, du moins l’opinion publique et l’histoire.

A. GEFFROY.


REVUE LITTÉRAIRE.

{{c|UNE MISSION DIPLOMATIQUE EN CHINE ET AU JAPON.[2]

Le gouvernement anglais a publié, dans un document officiel qui a été soumis au parlement, la correspondance diplomatique de lord Elgin sur les éve-

  1. Le markka, divisé en 100 penni, c’est-à-dire le franc partagé en centimes.
  2. Narrative of the Earl of Elgin’s Mission to China and Japon, by Laurence Oliphant, 2 vol. London, 1859 ; W. Blackwood; — le même ouvrage, traduction française, précédée d’une introduction, par M. Guizot, 2 vol. Paris 1860; Michel Lévy.