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Un pays. La question n’est pas du plus au moins lorsqu’on sort du néant et que l’on commence à exister. Nous pouvons tous avoir désormais notre part, une part quelconque, d’inffluence sur la direction des affaires du pays. Cette situation nous crée un devoir certain, le devoir d’employer pour le bien du pays et au service de nos idées toute la part d’action qui nous est dévolue, le devoir de ne pas nous laisser engourdir, par erreur de jugement ou faiblesse de caractère, dans l’oisiveté politique où nous avons été trop longtemps retenus par les circonstances contraires.

Lorsque, dans l’examen des questions extérieures qui ont contribué à ce retour de liberté qu’il nous est enfin permis d’entrevoir pour la France, nous nous tournons vers l’Italie, il nous semble entendre les libéraux italiens ; ils nous disent : « Nous vous promettions bien au commencement de la guerre que l’Italie s’acquitterait des services que vous nous rendiez en vous apportant la liberté ! » Cette prophétie ne nous trouvait point incrédules. Parmi les heureuses conséquences qui pouvaient résulter de la guerre d’Italie, nous rangions bien l’espoir d’une renaissance libérale pour la France. Un si grand ébranlement du monde européen, un choc si violent donné aux imaginations ne pouvaient pas laisser la France intérieure immobile et inerte ; il était bien juste que la nation, après avoir tenu si brillamment sa partie sur les champs de bataille, reprît sa place dans la délibération de ses affaires. C’était un effet indirect que l’on pouvait attendre de l’entreprise italienne. Nous donnons d’autant plus volontiers quittance sur ce point aux patriotes italiens qu’ils semblent sortir de la phase contestable de leur œuvre, et qu’ils s’appliquent en ce moment à une œuvre de réorganisation dans laquelle ils doivent avoir désormais les vœux de tout ce qu’il y a d’intelligent non-seulement parmi les libéraux, mais parmi les conservateurs de l’Europe. Nous faisons allusion au travail dont s’occupe en ce moment un des esprits les plus élevés du mouvement italien, M. Minghetti, aujourd’hui ministre de l’intérieur. On vient de discuter, dans plusieurs séances du conseil des ministres à Turin, les principes de la loi projetée sur l’organisation administrative de l’Italie. L’on est tombé à peu près d’accord sur les points suivans : institution de régions correspondantes aux grandes divisions naturelles et historiques de la péninsule ; décentralisation administrative largement appliquée ; distinction entre les communes rurales, qui seront sous la tutelle du conseil provincial ou régional, et les communes urbaines, qui posséderont la pleine liberté administrative ; le maire élu par les membres du conseil communal sans participation du gouvernement central ; abolition du ministère de l’instruction publique et liberté d’enseignement, le gouvernement se réservant la création d’une université modèle et la nomination d’inspecteurs de l’enseignement primaire, etc. Après les faits qui se sont accomplis en Italie, — le malheureux roi de Naples ne résistant plus que dans Gaëte et ayant peut-être compromis la force de sa résistance et diminué la durée du siège qu’il pourra soutenir en gardant