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l’ont conservée après que nous l’avions perdue, mais que le peuple dont nous venions d’assurer l’indépendance, le peuple Italien, était d’emblée bien en avant de nous quant à ses institutions politiques. Ce contraste donnait lieu contre nous à de poignans sarcasmes. La France, disait-on, en matière de liberté ne travaille donc que pour l’exportation ? Son refrain sera donc toujours : Sic vos non vobis ? — Elle prend la queue, même après l’Autriche, ajoutait-on après la publication du diplôme du 20 octobre.

La généralisation sur le continent des institutions qui assurent aux peuples une participation directe à la politique des gouvernemens créait une situation désagréable à notre politique et pénible à notre amour-propre national, si nous étions demeurés immobiles. Les difficultés de cette situation réagissaient d’ailleurs sur les affaires engagées. Nous l’avons répété maintes fois, le péril de l’état de choses qui paralysait chez nous cette activité intérieure inséparable de la liberté était de porter exclusivement l’imagination et l’activité morale de la France sur les questions de politique extérieure. Or la France ne peut avoir d’autre aliment que la politique extérieure sans que l’Europe entière soit inquiète et troublée. De là venait, au milieu des grandes questions internationales qui sont engagées, cette défiance générale que l’on voyait survivre à des articles officieux ou officiels, à des discours d’ambassadeur, et même à des déclarations impériales. Il eut été injuste d’en vouloir au sentiment public, chez nous et au dehors, de cette maladie chronique de la défiance. Il faut être de son temps ; or nous sommes d’un temps positif, où la confiance se fonde sur les choses et non sur les paroles, où les engouemens personnels sont rares et de peu de durée, où le mot sécurité est en train de devenir, comme chez les Anglais, identique à l’idée de garantie. Avec ce tour d’esprit positif, les peuples, dans leurs rapports internationaux, se sont mis à imiter les banques, qui préfèrent sur un billet deux signatures à une seule. Ils sont mieux rassurés sur la solidité d’un engagement souscrit par un gouvernement étranger, lorsque l’engagement est contrôlé et endossé par une manifestation constante et directe de la volonté de la nation que ce gouvernement représente. Le prix particulier qu’ils attachent à cette seconde signature se comprend d’autant mieux que les peuples ont les uns sur les autres cette idée bien arrêtée, qu’ils n’aiment point la guerre, qu’ils n’ont aucun profit à en retirer, qu’ils sont toujours disposés à terminer leurs disputes par d’intelligentes transactions, et qu’au contraire la guerre n’est à craindre que de la part des gouvernemens non contrôlés, lesquels seuls, comme on l’a vu de mémoire d’homme, ne reculent point devant cette cruelle effusion de sang et devant ce lamentable gaspillage de richesse. Il n’était donc point douteux, depuis quelque temps, que le seul gage efficace que le gouvernement français put donner de la sincérité de ses intentions pacifiques était une réforme qui ranimât la vie intérieure du pays en faisant participer à la politique générale les corps représentatifs. C’était la conclusion que nous avions en vue, lorsque nous annoncions, il y a un mois, qu’une diversion