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communes. L’agriculture flamande ne doit donc presque aucun de ses progrès au concours des classes élevées ; aujourd’hui même, elle ne peut espérer recevoir d’elles l’élan que les propriétaires anglais ont su donner à la culture de leurs terres.

Chaque village est un centre d’activité locale indépendant des chefs-lieux de canton ou de province. L’esprit d’association, propre à la race flamande, fait naître partout des sociétés de toute espèce, ayant pour but l’utilité ou l’agrément des membres qui en font partie. Ce sont des sociétés de musique instrumentale et vocale, des sociétés de rhétorique et de littérature où toutes les productions des muses villageoises reçoivent un accueil indulgent, des sociétés de course qui donnent des prix aux meilleurs trotteurs ou aux fermiers qui courent la bague à cheval suivant les us du moyen âge, des sociétés d’agriculture, de jeux de boule, de tir à l’arc ou à l’arbalète. Ces dernières sont d’anciennes gildes qui ont toutes leurs blasons, leurs insignes, leurs drapeaux, leurs chartes, dont quelques-unes, datant de XIIIe et du XIVe siècle, conféraient le droit de porter des armes à la condition de marcher à l’appel du suzerain. Il n’est point dans la région des terres sablonneuses de localité si petite et si isolée où il n’existe deux ou trois de ces associations. Dans les villages importans, on en rencontre plus de huit ou dix, et dans la ville principale, à Gand, plus de cent. Toutes ont leurs statuts, leur bureau, leurs jours de réunion, d’élection et de délibération, leurs cotisations et leur petit budget ; elles constituent des organisations au sein desquelles se perpétue un esprit de corps très prononcé. Quelque modeste que soit leur sphère d’action, on doit reconnaître qu’elles forment des institutions éminemment utiles, qui apprennent aux habitans des campagnes à unir leurs efforts pour une pensée commune, à délibérer et à s’entendre sur un intérêt collectif. Elles font pénétrer jusqu’au fond des chaumières quelque lueur de la vie nationale et même, au moyen de la musique, quelque écho de l’art moderne. Ce sont autant de foyers d’activité d’où émane un certain mouvement de civilisation qui tend à enlever aux populations rurales ce que l’isolement leur donnait de rude, d’égoïste ou d’insociable. Malheureusement, malgré les efforts de l’état, l’instruction des enfans est encore trop négligée, et le pouvoir civil, il faut le dire, ne rencontre pas dans le clergé, pour accomplir sa noble mission, tout l’appui qu’il serait en droit d’espérer d’un corps dont l’influence sur les campagnes est encore si grande.


III.

Pour compléter ce tableau de l’économie rurale des Flandres, il reste à dire quelques mots de leurs principaux produits. En les énu-