Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/750

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ans ; enfin le champ est fermé par un fossé bordé lui-même d’arbres de haute futaie. Le niveau moyen de la terre arable domine le fond de ce fossé d’au moins deux mètres, ce qui contribue à rendre le sol parfaitement sec. Ces fossés, profonds et multipliés, sont nécessaires pour recevoir les eaux dans un pays bas, humide et tout à fait plat, et en les creusant on s’est servi du déblai pour exhausser les champs cultivés. Chaque pièce de terre fournit donc à la fois des récoltes annuelles, un pâturage arrosé par les eaux grasses qui découlent des champs, du bois de chauffage tous les sept ans, et du bois de construction tous les trente ans. La terre est ordinairement labourée à la charrue ; mais tous les six ou sept ans on la retourne à la bêche, en ayant soin de couvrir la superficie du sol, qui a porté des fruits pendant la durée de la rotation accomplie, avec la terre de la couche inférieure, qui a joui pendant ce temps d’une sorte de jachère souterraine et s’est enrichie de toutes les infiltrations de l’engrais. Le sol arable acquiert par cette méthode une profondeur qu’il n’a point dans les potagers les mieux cultivés ; mais on devine quel capital d’amendemens, de fumures et de main-d’œuvre il a fallu enfouir dans cette terre siliceuse pour la fertiliser ainsi jusque dans le sous-sol. Le but principal de l’exploitation n’est point les céréales, mais le fin et le beurre. Les meilleurs fermiers ne vendent presque point de grains : ils les font consommer par leur bétail ; ils arrivent ainsi à accumuler beaucoup de fumier, et leurs produits, de plus en plus recherchés, ne craignent point la concurrence de l’Amérique ou de la Russie malgré l’absence de tout tarif protecteur.

Tel est l’aspect des fermes, tels sont les procédés de culture dans le pays de Waes. On les retrouve partout ailleurs dans la zone sablonneuse, avec moins de propreté pourtant dans l’entretien de l’habitation et de soins minutieux dans les façons données à la terre. Malheureusement la condition des hommes laborieux qui ont amené l’agriculture à un si haut degré de perfection n’est point en rapport avec la masse des produits qu’ils récoltent. L’ouvrier agricole des Flandres est peut-être celui de tous les ouvriers européens qui, travaillant le plus, est le plus mal nourri. Le petit fermier ne vit guère mieux, et si l’on y regardait de près, on se convaincrait que, loin de tirer du capital engagé dans son exploitation les 10 pour 100 jugés nécessaires en Angleterre, il n’en obtient pas 3 pour 100 en outre du salaire qu’il mérite par son travail personnel. Partout où la stérilité naturelle du sol rend la culture du froment trop onéreuse, la population rurale ne mange que du pain de seigle ou de méteil, avec des pommes de terre, des haricots, quelques légumes et du lait battu, presque jamais de viande, ni même de lard. Le café à la chicorée est la boisson habituelle ; la bière est réservée pour les jours de dimanche et de kermesse. Le salaire de l’ouvrier