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nissent aux cultivateurs le moyen d’avoir une bonne étable dont les produits obtiennent sur les marchés des prix plus fixes et plus rémunérateurs que les céréales. Quel que soit du reste le stimulant qu’on emploie, la terre, loin de s’épuiser par les deux récoltes qu’elle donne, ne cesse de s’améliorer par les labours, les hersages, les sarclages répétés sans relâche et par les engrais qu’on lui prodigue,

La culture ainsi poussée jusqu’au point où elle devient du jardinage exige, on le comprend sans peine, un capital d’exploitation relativement considérable. Ce capital, estimé en Angleterre à 250 francs par hectare, doit être en Flandre d’à peu près 500 fr., chiffre que les bons cultivateurs, jugeant d’après leurs propres terres, trouveront sans doute beaucoup trop bas, même pour la moyenne. Voici, par approximation, comment le chiffre total se décompose : on trouve dans les deux provinces flamandes une tête de bétail par hectare de terre labourable, et les statistiques officielles portent la valeur de cette tête de bétail à 240 fr.; il faut y ajouter 160 fr. pour les engrais et le tenant-right payés au fermier sortant, plus 100 fr. d’ustensiles, de meubles et de provisions, pour nourrir bêtes et gens jusqu’à la prochaine récolte. S’il fallait estimer tout l’avoir réalisable d’un fermier, il faudrait le porter au moins à 700 fr., et à 1,000 fr. pour une ferme très bien garnie[1].

Le quatrième caractère spécial de l’agriculture flamande, c’est l’extrême subdivision de la terre. Les exploitations n’ont en moyenne que 3,45 hectares dans la Flandre occidentale, où l’on compte

  1. I^ sens à attacher au terme capital d’exploitation, — l’investment capital des auteurs anglais, — n’étant pas encore bien fixé, les comparaisons qu’on établit à ce sujet entre les différens pays ne peuvent être très précises. Pour donner une idée de ce que comporte ce capital dans les Flandres, je transcrirai ici le résumé de l’inventaire fait sur une ferme de 10 hectares 42 ares située au nord de Gand, dans un terrain très léger. Il est à remarquer que les fermes à un cheval, d’une étendue de 11 à 12 hectares, forment lu moyenne culture et sont les plus nombreuses. Voici les chiffres dont j’ai le détail : ¬¬¬
    Mobilier, instrumens aratoires, provisions 1,812 fr.
    7 vaches et génisses, 3 veaux, 4 cochons, 1 cheval 2,240
    Fumiers et provisions en grange 1,382
    5,434 fr.
    Récoltes sur pied, bois taillis, etc., (au mois de mars). 3,270
    Total 8,704 fr.

    Ces chiffres donnent par hectare 500 fr. de capital d’exploitation sans les récoltes, et 800 fr., si l’on prend l’inventaire complet. Toutes les fermes de 22, de 50 ou de 100 arpens, c’est-à-dire celles à un, deux ou quatre chevaux, donneraient un résultat à peu près identique, parce que les conditions de culture sont telles qu’avec un capital moindre en engrais ou en bétail le fermier ne pourrait obtenir des récoltes suffisantes pour faire face aux charges qui pèsent sur lui. Dès qu’il ne peut plus abondamment fumer la terre, sa ruine est assurée. Le sable des Flandres est exigeant : il cause la perte de qui le néglige.