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perd, ni de leur litière, ni de leurs déjections liquides, conservées dans des citernes en maçonnerie, tandis qu’en Angleterre, dans le plus grand nombre des exploitations, suivant la remarque d’un observateur consciencieux, M. Caird, le bétail, mis l’été dans les pâturages, est placé l’hiver dans des cours ouvertes, yards, où la maigre litière des animaux est sans cesse lavée par la pluie, qui entraîne souvent dans le ruisseau voisin les principes les plus fécondans. Dans certaines parties de la Flandre, on prend un tel soin des fumiers qu’on les met à l’abri du soleil et de la pluie dans une enceinte couverte, où ils sont soumis au piétinement de deux ou trois jeunes bêtes, afin d’empêcher l’évaporation des sels ammoniacaux et de produire une bonne fermentation. En outre, le cultivateur ne se contente pas des matières fertilisantes qu’il accumule dans sa ferme. Il extrait des fossés et des ruisseaux les plantes aquatiques qu’il mélange avec du fumier, ou qu’il emploie directement pour hâter la croissance de la pomme de terre. Il fait venir de loin et souvent à grands frais les boues draguées dans les canaux, ou de la chaux qu’il distribue dans la proportion de 8 à 10 mètres cubes par hectare, et qui lui reviennent de 150 à 200 francs. Il se rend dans les villes voisines pour acheter les déchets des fabriques et des tanneries, du noir animal, des cendres, les boues des rues, des os broyés, des phosphates de chaux, des tourteaux de fin et de colza, les vidanges partout recueillies, et qui se vendent de 30 à 40 centimes l’hectolitre. Dès l’aube, les jeunes enfans, traînant une petite charrette, vont en quête du fumier le long des chemins ou sur les prairies encore soumises à la vaine pâture pendant l’automne. Ainsi sont suivis à la lettre les conseils de la chimie agricole, qui veut qu’on restitue à la terre tous les élémens qui en sont sortis. Depuis quelques années, on fait plus encore : on demande au Pérou des quantités énormes de l’engrais le plus puissant qu’on connaisse, le guano, qui semble communiquer aux plantes des climats froids quelque chose de l’ardente activité de la végétation équatoriale. L’emploi de ce stimulant énergique a fait faire de grands progrès à la culture ; il a fait baisser le prix des autres matières fertilisantes, et il a permis de mettre en rapport des terres incultes privées de communications faciles avec les centres de population. L’ouvrier qui cultive un arpent va chercher sur sa brouette quelques balles de guano, tandis qu’il lui aurait été impossible de transporter tout autre amendement plus encombrant. Le fermier, qui peut amener en un seul transport l’équivalent de 30 ou 35 voitures de fumier, emploie maintenant ses chevaux au travail des champs. Au printemps, il parcourt ses terres un sac de guano à la main, et quand il voit des portions de terrain en souffrance, il les saupoudre de ce sel, et obtient ainsi un produit partout égal. Se procurer des engrais, telle est la grande préoccupation du cultivateur.