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donné aux grandes cités des Flandres, et celui de poorters, dont s’enorgueillissaient leurs habitans.

L’accroissement de la population développa nécessairement les forces productives du pays, et l’on est étonné de voir à quelle époque reculée remontent les procédés les plus perfectionnés de la culture. Un grand nombre des villages désignés dans les chartes les plus anciennes subsistent encore aujourd’hui ; même les noms de beaucoup d’entre eux se rapportent aux croyances religieuses de l’époque païenne. Peuplées par les marchands étrangers et indigènes, qui expédiaient au loin les étoffes fabriquées dans les fermes de l’intérieur, les villes avaient déjà au VIIe siècle une étendue considérable, comme on en peut juger par la distance qui sépare les églises fondées par les premiers missionnaires chrétiens. Quand, pour se soustraire aux exactions des seigneurs et pour répondre plus facilement aux demandes d’une exportation croissante, les tisserands vinrent se grouper autour des marchands et constituer les gildes de la laine à l’abri des murailles, alors même l’industrie ne déserta point les campagnes, où l’on continua d’associer aux soins d’une culture déjà très variée la fabrication du drap et de la toile. Aux yeux des chroniqueurs anglais du XIIe et du XIIIe siècle, qui voyaient leurs souverains appeler des colons de la Flandre pour faire valoir leurs domaines, tout cultivateur de ce pays est un homme qui sait faire du drap et manier les armes. Ces immigrations de fermiers flamands continuèrent même sous Cromwell, et s’étendirent jusqu’au pays de Galles. C’est d’eux que les Anglais apprirent à construire des digues pour arrêter les inondations de la mer et des fleuves, à élever des moulins à vent pour épuiser les eaux, à drainer les terres humides au moyen de perches d’aunes, à cultiver le houblon, les navets et presque tous les légumes. La Flandre était alors pour l’Angleterre ce que ce dernier pays semble être aujourd’hui pour le continent : une nation chez qui l’accumulation de la richesse produite par l’industrie et le commerce fait faire à l’agriculture des progrès incessans, objet de l’envie et de l’imitation des autres peuples. La supériorité des cultivateurs flamands, surtout pour mettre en rapport les terres sablonneuses ou marécageuses, était tellement reconnue au moyen âge, que les souverains les appelaient de toutes parts pour prendre conseil de leur expérience. C’est ainsi que, pendant le cours du XIIe siècle, des colonies flamandes se sont répandues dans la Saxe, la Thuringe, le Holstein et jusque dans les provinces de la Transylvanie et de l’Autriche méridionale, et les traces de leur établissement se sont conservées dans le nom de certaines localités et de certains usages.

Tant que la Flandre jouit de son indépendance et de ses libertés locales, la culture ne cessa de s’y étendre, de s’y perfectionner et