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Guesclin, Guillaume de Sévigné, Pierre de Villeblanche, les neveux de Maurice d’Acigné, évêque de Nantes, et une foule d’autres gentilshommes, vassaux des trois grandes maisons placées à la tête de l’insurrection.

Ayant résolu de faire face à tous ses ennemis, présumant d’ailleurs que ceux-ci ne manqueraient pas de démasquer bientôt leurs véritables projets, Landais fit déclarer criminels de lèse-majesté tous les sujets du duc qui avaient osé pénétrer dans sa demeure avec l’intention de lui faire violence. Peu de jours après, un ordre souverain ordonna leur mise en jugement, et prescrivit au préalable, par mesure de sûreté publique, la prise et démolition immédiate de toutes leurs places et châteaux, l’abatis de leurs futaies et la mise sous séquestre de tous leurs immeubles. « Landays osa bien même, s’écrie d’Argentré, bastir une lettre de sa main, sous le nom du duc, par laquelle il déclaroit tous les chefs et capitaines qui entreroient en capitulation avec les barons et seigneurs criminels de lèse-majesté, et confisquoit leurs biens comme de trahistres. Ce fust une forcenerie dont jamais homme n’ouït parler de telle outrecuidance[1]. »

Cependant les hauts barons réunis dans Ancenis travaillaient avec une ardeur dépouillée d’artifices à justifier l’outrecuidance du ministre assez mal-appris pour appliquer à une rébellion ouverte les principes de répression alors admis par tous les états européens. « La persécution de Landais, dit dom Lobineau avec sa bonhomie ordinaire, obligea les seigneurs d’avoir recours au roi de France, ou plutôt à Mme de Beaujeu, qui le gouvernait; principalement le prince d’Orange, Pierre de Villeblanche et Jean Le Bouteiller, seigneur de Maupertuis, lesquels, persuadés, ou feignant de l’être, qu’après la mort du duc François le duché devait appartenir au roi, en vertu de la cession faite à Louis XI par Nicole de Bretagne, traitèrent avec lui le 22 octobre à Montargis. Ces trois seigneurs, au nom de tous les autres, que Landais poussait à bout, promirent au roi par leur scellé que si le duc mourait sans enfant mâle, ils emploieraient corps, biens, alliés, amis et sujets, pour lui faire avoir la possession de la Bretagne; mais s’ils étaient excusables en quelque sorte de s’être unis ensemble pour renverser la fortune de Landais, ils ne le furent point du tout d’avoir pris le parti de disposer à leur gré de la succession du duché de Bretagne, et leur haine contre le favori les fit tomber dans une faute qui justifiait en quelque sorte tout ce qu’il avait publié contre eux[2]. »

  1. Histoire de d’Argentré, ch. 18.
  2. Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. Ier, p. 742. On trouve le texte de cet acte avec celui de la déclaration des seigneurs qui en suivit la signature, dans les Preuves de dom Morice, t. III, col, 442.