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prince d’Orange, fils d’une princesse de Bretagne, le maréchal Jean de Rieux et Louis de Rohan, seigneur de Guémené. A la suite de ces personnages venaient une trentaine de gentilhommes et plusieurs bourgeois, ennemis personnels de Landais, parmi lesquels deux neveux de Chauvin, dont l’intervention était assurément fort naturelle. Dans la journée du 7 avril 1484, les conjurés, bien pourvus d’armes sous leurs vêtemens, se divisèrent en deux troupes, afin de saisir le ministre soit dans son propre domicile, soit dans le palais, s’il travaillait avec le duc. L’une des bandes se dirigea donc vers sa maison de campagne et y parvint au moment où Landais se mettait à table pour souper; mais ses domestiques, surpris des allures de ces étranges visiteurs, parlementèrent assez longtemps avec eux pour donner à leur maître le temps de s’enfuir. L’invasion du château de Nantes, sans être plus heureuse, eut un effet plus étrange. Les conjurés pénétrèrent sans rencontrer de résistance jusque dans l’appartement de François II, et, s’étant prosternés devant leur souverain, ils lui déclarèrent, avec les formes respectueuses de toutes les révoltes féodales, qu’ils venaient, pleins de dévouement pour sa maison et pour lui-même, arracher d’auprès de sa personne un traître, ennemi secret de sa famille, dont il se préparait à vendre les droits à la France, chargé d’ailleurs de crimes monstrueux et en horreur à Dieu comme aux hommes.

Pendant que le timide François II s’efforçait, par des promesses et des explications évasives, de détourner la mort de la tête de son ministre, dont les barons allèrent rechercher la personne jusque dans les combles de la demeure ducale, un incident fort imprévu vint changer tout à coup la face des choses. Fn présence de la brusque invasion dont il ignorait la cause, le peuple nantais, voyant le château plein de tumulte et de bruit, crut qu’on en voulait à la vie du duc, et, s’ameutant de toutes les parties de la ville, il braqua contre les portes fermées par les conjurés tous les canons qui purent lui tomber sous la main, demandant avec furie la tête des seigneurs qu’il aurait peut-être secondés dans leur révolte, s’il en avait connu le motif véritable. Alarmés de ces manifestations et certains que Landais leur avait échappé, les conjurés n’eurent, pour l’instant, d’autre souci que de sortir du château par ses diverses issues secrètes. Le duc, délivré tout à coup après de longues heures d’angoisse, s’empressa de rappeler auprès de lui son ministre, pendant que les complices du complot avorté galopaient en toute hâte vers Ancenis, place forte appartenant au maréchal de Rieux, bien munie par celui-ci de soldats, d’armes et de vivres, parce qu’elle avait été désignée d’avance pour point de retraite en cas d’échec. Ils furent bientôt rejoints dans cette ville par François de Laval, seigneur de Montafilant, par les dames de Laval et de Rieux, Gilles du