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fille cinq ou six gendres, et laissait offrir la main de la fille de son maître au fils du vicomte de Rohan, afin de détacher de la France ce redoutable seigneur. Peut-être ne décourageait-il pas non plus les espérances affichées par le sire d’Albret, une manière de bravache gascon qui, le verbe haut et le visage couperosé, parlait de ses états et de ses trésors en matamore de comédie, mais auquel Mme de Laval, sa sœur utérine, gouvernante de la princesse, entendait bien assurer la main de sa royale pupille, sous peine de seconder, par le concours de sa puissante maison, la réunion du duché à la couronne.

C’était au milieu d’une guerre civile entreprise pour amener sa chute que Landais avait à manier ces grands intérêts, à tenir les fils multipliés de ces négociations délicates. En horreur aux hauts barons, aux yeux desquels la faveur d’un tel homme était un scandale, en lutte avec les évêques, seigneurs territoriaux de leurs cités épiscopales, dans lesquelles ils prétendaient interdire aux officiers du duc tout acte de juridiction et toute ingérence administrative, Landais n’était guère soutenu par la bourgeoisie, généralement favorable au chancelier Chauvin, son rival, et rencontrait des sympathies encore moins vives dans les masses, qui ne comprenaient point pourquoi la Bretagne s’épuisait d’hommes et d’argent dans l’intérêt de tant de princes étrangers, venus à la cour du seigneur duc afin d’y dévorer, au milieu des fêtes, la substance du pauvre peuple. Examinons avec quelque détail les élémens de l’opposition du sein de laquelle allait sortir la tempête.


II.

Le règne de François II fut une sorte de combat permanent livré à l’épiscopat, combat durant lequel il est à remarquer que ce prince se vit presque toujours soutenu par la cour de Rome contre les prélats bretons, dont le grand moyen de résistance au gouvernement ducal était d’en appeler au métropolitain de Tours, derrière lequel ne manquait jamais de se montrer le bras séculier du roi de France. Tantôt c’était l’évêque de Léon, qui, prétendant, en vertu du droit de bris et naufrage, disposer seul d’une baleine jetée par la tempête sur son littoral, invoquait pour ce grave intérêt l’autorité de son archevêque; tantôt c’était Maurice d’Acigné, évêque de Nantes, qui refusait aux officiers du duc le droit d’instrumenter pour une poursuite criminelle dans les murs mêmes de sa capitale; plus tard enfin, c’était Jacques d’Épinay, évêque de Rennes, qui « faisoit voir, nous dit dom Lobineau, le mauvais caractère de son esprit par de