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anglais. Un avis sûr, venu de Londres, sauva le prince au moment où il se préparait à reprendre à Vannes, avec l’apparente adhésion du gouvernement ducal, le cours de sa première expédition. Informé de la secrète machination du grand-trésorier, le comte de Richemond se déroba durant une partie de chasse à la vigilance des agens dont il était incessamment entouré, et, voyageant de nuit à travers les bois, il put, après trois jours d’angoisse, gagner le territoire de la France. Ce fut de là qu’il repartit deux ans plus tard pour reparaître dans sa patrie, y gagner la bataille de Bosworth, où son exécrable rival perdit la couronne et la vie, et commencer sous le nom d’Henri VII un règne réparateur, après avoir, par son mariage avec l’héritière de la maison d’York, groupé autour de son trône tous les intérêts et tous les partis. L’on trouve peu de détails dans les historiens bretons sur cet épisode, enveloppé des plus grandes obscurités[1]. Il faut donc l’étudier surtout dans les écrivains anglais, unanimes pour constater et pour flétrir dans les termes d’une vive et trop légitime indignation la conduite de Landais, mais moins bien inspirés lorsqu’ils attribuent sa résolution à la vénalité[2], au lieu de l’expliquer par les calculs d’une politique odieuse assurément, mais très facile à comprendre.

Cependant une phase nouvelle venait de s’ouvrir dans les destinées de l’Europe, et Pierre Landais allait pouvoir passer contre la monarchie française d’une attitude cauteleuse à une audacieuse offensive. Le plus habile des rois et le plus naïvement corrompu des hommes était mort au mois d’août 1483, laissant son pays plus atteint par l’altération du caractère national que fortifié par l’extension de sa puissance territoriale. Comme la plupart des princes qui, après avoir agité le monde, découvrent soudainement, en présence de la mort, l’inanité de leurs œuvres, Louis XI avait, à ses derniers momens, recommandé à son fils de ne point suivre ses exemples. Ce fut surtout vis-à-vis de la Bretagne qu’il prescrivit une politique de réserve et d’abstention : «il ordonna qu’on ne prist pas de débat en Bretaigne et qu’on laissast vivre le duc François en paix, et sans lui donner doutes ni craintes, et à tous les voisins semblablement de tout ce royaulme[3] ; » mais les actes politiques ont d’inexorables conséquences qu’il n’est pas loisible de décliner à son gré. En achetant les droits de la maison de Penthièvre, Louis avait engagé contre

  1. Voyez toutefois les Grandes Chroniques de Bretaigne d’Alain Bouchart, où tous les faits principaux sont indiqués, liv. IV, f° CCI.
  2. Hume’s History of England : Richard III, du 18, et Lingard, ch. 5. Ces écrivains d’ailleurs n’ont guère fait que répéter les assertions contenues dans les Actes de Rymer.
  3. Mémoires de Comines, liv. VI, ch. 12.