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PIERRE LANDAIS
ET
LA NATIONALITÉ BRETONNE

DEUXIEME PARTIE.

I.

La Bretagne était au plus fort de la lutte préparée, durant une longue suite de générations, entre son génie national, qui semblait l’avoir prédestinée à l’indépendance, et sa position géographique, qui lui ménageait une absorption inévitable. La réunion de cette grande province à la couronne de France était l’idée fixe et la perpétuelle obsession d’esprit de Louis XI. A la maladive passion du joueur, ce prince joignait une fécondité de ressources que ne venait décourager aucun échec ni contrarier aucun scrupule. Par la complicité assez habituelle de la fortune avec l’impudence, son bonheur avait couvert la plupart de ses fautes, et les accidens ne lui avaient pas moins profité que les crimes. Le duc de Guienne, son frère, était mort empoisonné; le duc de Bourgogne avait fini en aventurier; la maison d’Anjou s’était éteinte en lui léguant, pour prix de mille trahisons, ses droits et ses territoires : la Bretagne seule refusait encore de s’incliner devant le succès qui avait grandi la royauté et devant la terreur qu’inspirait la personne du monarque vieillissant.

De tous les princes de ce temps, le duc François II était le plus impropre à lutter contre le roi de France, quoique cette lutte dût être la fatalité de sa vie. Aussi mobile dans ses projets que Louis