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III.

Pendant que le sénat était tout entier à ces débats brûlans, une convention unioniste se réunissait à Baltimore et terminait en deux jours tous ses travaux. Le parti intermédiaire qui avait porté ses voix sur M. Milliard Fillmore en 1856 avait sommeillé pendant plus de trois années. Il n’avait conservé de vitalité que dans les états du sud, où il servait de point de ralliement à tous les adversaires de la politique à outrance de M. Buchanan. L’émotion causée par le coup de main de John Brown sembla rendre à ce parti quelque existence dans le nord. De grandes démonstrations eurent lieu à Boston, à New-York et à Philadelphie, pour réprouver l’attaque violente dont un état du sud venait d’être l’objet, pour protester de la nécessité d’observer les lois et la constitution. Des hommes considérables avaient pris l’initiative de ces démonstrations, et l’on avait vu sortir de leur retraite, à cette occasion, des personnages qui avaient occupé les plus hautes fonctions dans les états du nord, et qui semblaient avoir dit adieu à la politique. On put croire à une résurrection de l’ancien parti whig, et le concours empressé que les classes commerçantes, liées d’intérêts avec le sud, prêtèrent aux manifestations, fit illusion sur la portée et la durée possible de ce mouvement. On entreprit immédiatement de réorganiser le parti unioniste, et l’on se flatta d’intervenir efficacement dans la prochaine campagne présidentielle. C’était la convention de ce nouveau parti qui s’était réunie le 9 mai à Baltimore, sous la présidence de M. W. Hunt, ancien gouverneur de l’état de New-York. Par la position sociale, le caractère et les antécédens des hommes qui la composaient, cette réunion était fort supérieure à celle qui venait de se séparer à Charleston, et peut-être à toutes les assemblées du même genre que les États-Unis avaient vues ; mais elle avait le tort de ne représenter aucun principe défini, aucune idée arrêtée, et ses membres, de quelque estime qu’ils fussent entourés chacun dans son état, étaient, presque tous et depuis trop longtemps, trop en dehors du mouvement politique et trop étrangers aux masses populaires pour exercer une influence réelle. C’était une armée de généraux, tandis qu’il aurait fallu des millions de soldats. Il n’y avait assurément aucun parallèle à établir entre M. Hunt, qui représentait New-York à Baltimore, et le capitaine Rynders, délégué par la même ville à Charleston. L’un, par sa naissance, son éducation, ses lumières, sa fortune, appartenait aux premiers rangs de la société américaine. Il avait obtenu tous les honneurs que peut conférer le suffrage universel ; successivement membre de la législature de New-York, membre du congrès, gou-