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Ces débats sans cesse renouvelés avaient rempli les premiers mois de la session de 1860 : ils faisaient prévoir des orages au sein de la convention qui devait se réunir au mois d’avril pour désigner le candidat du parti démocratique. Il y avait des deux parts la même confiance et le même acharnement. M. Douglas se croyait sûr d’être désigné. Il était au sein du parti démocratique le seul homme considérable du nord : personne ne pouvait être mis en balance avec lui pour le talent, la notoriété, l’expérience parlementaire; tout-puissant dans l’Illinois, très influent dans l’Indiana et le Michigan, il pouvait seul apporter au parti un contingent réel; il ne voyait non plus au sud personne qui eût chance de rallier les sympathies des états libres; il se regardait donc comme l’indispensable trait d’union des deux fractions du parti. Assuré d’avance que les délégués du nord voteraient presque unanimement pour lui, lié d’amitié depuis longues années avec les hommes les plus capables et les plus influens du sud, ses collègues au sénat, il s’attendait à être, au sein de la convention démocratique, l’objet des attaques les plus violentes, mais il était convaincu qu’au moment du vote il réunirait le plus grand nombre de suffrages, et que les exaltés seraient contraints de s’incliner devant le choix de la majorité. Cette présomption de M. Douglas exaspérait ses adversaires; ils ressentaient comme une injure la confiance avec laquelle les journaux qui lui étaient favorables annonçaient son triomphe et promettaient amnistie aux gens qui viendraient à résipiscence après l’avoir combattu. Ils n’épargnèrent aucun effort pour faire nommer par les comités de leurs états des délégations tout à fait hostiles à M. Douglas, et ils y réussirent avec l’appui de l’administration fédérale. Le président lui-même, chez qui l’âge n’avait point amorti les ardeurs d’un caractère opiniâtre et violent, le cœur ulcéré de ses défaites, entra avec passion dans ce complot contre l’homme qu’il regardait comme l’auteur de tous ses échecs. Partout les agens de l’administration, avocats-généraux, greffiers, receveurs des contributions, employés des postes, reçurent l’ordre, sous peine de destitution, d’appuyer la fraction du parti hostile à M. Douglas.


II.

La convention démocratique se réunit à Charleston, dans la Caroline du sud, le 23 avril 1860. Les délégations du nord-ouest arrivaient unanimes en faveur de M. Douglas et annonçaient l’intention de le soutenir jusqu’au bout; celles du nord-est étaient en majorité sympathiques à la même candidature; les fonctionnaires publics qui en étaient membres faisaient seuls exception. Les délégations du