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en faveur de M. Buchanan, virent l’homme en qui ils avaient placé leur confiance déserter son rôle d’arbitre impartial et de tuteur des intérêts de tous pour devenir le chef d’un parti, pour se faire l’apôtre et le propagateur passionné de l’esclavage, ils rompirent avec l’administration. Déjà la plupart des unionistes avaient passé dans les rangs des républicains ou s’étaient coalisés avec ceux-ci. Toutes les élections locales tournèrent désormais contre l’administration. Même dans la Pensylvanie, son état natal, M. Buchanan vit les électeurs repousser tous les représentans qui avaient voté pour ses mesures, et jusqu’à ses plus vieux et plus chers amis. Ce fut en vain au contraire qu’il essaya de combattre la réélection de M. Douglas dans l’Illinois : il vit son adversaire rentrer au sénat avec le prestige d’une élection victorieuse, à la suite d’une lutte qui avait attiré sur lui les regards de toute la confédération.

Lorsque la session de 1860 s’ouvrit, la majorité, dont M. Buchanan n’avait pas su se servir, avait disparu. Les républicains, encore en minorité dans le sénat, qui ne se renouvelle que par sixième, formaient la moitié de la chambre des représentans. Pour empêcher que la présidence de cette chambre n’échût à l’un d’entre eux, il aurait fallu que les démocrates du nord consentissent à voter pour un homme du sud, ou que les représentans du sud donnassent leurs voix à un partisan de M. Douglas. C’est ce qu’il fut impossible d’obtenir des uns ou des autres. Pendant que le sénat discutait avec passion la proposition d’une enquête sur l’échauffourée de John Brown, qu’on voulait mettre au compte du parti républicain, la chambre des représentans s’obstinait à perdre son temps en scrutins infructueux. Ce ne fut qu’au bout de trois mois qu’une voix se détacha du candidat du sud, et donna au candidat républicain le suffrage qui lui manquait pour réunir la majorité absolue. La plus grande partie de la session était donc déjà écoulée lorsque le congrès put entamer sa tâche; mais à peine avait-il abordé l’expédition des affaires, qu’il dut suspendre virtuellement ses travaux pour laisser à ses membres la faculté d’assister aux réunions préparatoires par lesquelles s’ouvre toujours une campagne électorale. Quelques mots d’explication sont ici nécessaires.

Lorsqu’un parti se constitue aux États-Unis, son premier soin est de se donner une organisation, c’est-à-dire un gouvernement calqué sur l’administration fédérale. Il établit dans chaque état un comité central qui correspond avec d’autres comités institués dans chacun des districts électoraux; des comités inférieurs se forment également dans chacune des subdivisions locales. Lorsqu’une élection doit avoir lieu, soit pour les fonctions municipales, soit pour la législature de l’état, soit pour la chambre des représentans le co-