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influence acquise sur elle par le ministre dissident qui l’assistait pour lui arracher l’aveu de certains faits très concordans et très graves. Mistress Gill finit par reconnaître qu’elle avait mis mon père sur la voie de découvertes qui importaient à son honneur. C’était d’après des indications fournies par elle qu’à la suite d’une discussion très orageuse il avait saisi l’écritoire de sa femme. Comme moi, mistress Gill avait vu cette écritoire entre ses mains dans la matinée du 12 septembre. Après le crime, et pendant le premier désordre occasionné par la fatale nouvelle, mandée auprès de ma mère, — qui lui parut savoir à quoi s’en tenir sur ses dénonciations, et qui la trouva sourde à tous les argumens par lesquels elle essayait de se justifier, — la femme de charge, comblée de cadeaux, éblouie de promesses, accepta la mission de « défendre l’honneur de sa maîtresse » contre quiconque voudrait l’attaquer. De dénonciatrice, elle devint confidente; d’ennemie, alliée. Par elle passaient les sommes secrètement adressées à Owen Wyndham ; par elle, les lettres de cet homme arrivaient à la veuve de mon père. Avec l’aide de Wilkins, qui croyait, elle, de très bonne foi, aux protestations d’innocence de « mylady, » elle arrêta, elle parvint à étouffer les bavardages des autres serviteurs du château. Il était fort important d’obtenir par elle la preuve que, dans la matinée du 12 septembre, Owen Wyndham était, de sa personne, à Blendon-Hall : or elle ne l’y avait point vu et n’y soupçonnait pas sa présence; mais un incident particulier la lui avait démontrée. Ce jour-là, elle avait vu, le matin, au doigt de sa maîtresse, une bague ornée de brillans que sa forme particulière ne permettait pas de confondre avec une autre. Dans l’après-midi, ce bijou avait disparu. Wilkins, en déshabillant mylady, lui en avait fait l’observation, et il lui fut répondu négligemment qu’il se retrouverait sans doute le jour d’après. Cette perte avait excité un certain émoi parmi les domestiques, et ils avaient attribué l’indifférence témoignée à ce sujet par leur maîtresse au désespoir dans lequel, en ce moment même, elle semblait plongée. La bague cherchée de tous côtés ne se retrouvait pourtant pas, et ce fut seulement quelques jours avant celui où la famille allait quitter Blendon-Hall que mistress Gill, par ordre supérieur, annonça la découverte fortuite de ce précieux bijou dans un des tiroirs de la bibliothèque, «où elle était sans doute tombée des mains de mistress Lee pendant qu’elle y rangeait quelques papiers à la suite du fatal événement. » Mistress Gill néanmoins savait à merveille que c’était là un mensonge pur et simple, car le jour précédent elle avait reçu (à elle adressé pour qu’elle le remît à sa maîtresse) un petit écrin qu’elle avait eu la curiosité d’ouvrir. Or cet écrin renfermait précisément le joyau égaré. M. Wyndham seul pouvait l’envoyer ainsi à mistress Gill,