Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il reviendra, que vous êtes formellement engagée vis-à-vis de moi. Il ne doit pas rester à ce sujet le moindre doute dans son esprit... Me le promettez-vous, chère Alswitha?

— Oui, répondis-je à la hâte. Et en prononçant cette syllabe il me sembla un instant que je rompais avec un passé plein de doutes, d’anxiétés, de ténèbres; mais le moment d’après, malgré cette affirmation hardie de mes droits sur moi-même et sur mon avenir, l’illusion était dissipée; — je me sentais encore à la merci du destin.


VIII.

Hugh m’avait arraché la promesse de me laisser présenter à sa mère. Christine m’encourageait à ce pas décisif. — Multipliez, me disait-elle, les démarches qui peuvent rendre aux yeux de Godfrey ce mariage inévitable. Avec ces esprits obstinés, c’est ainsi qu’il faut agir.

Un jour avait donc été pris; ce jour-là, mistress Wyndham, saisie de spasmes violens, nous fit prévenir, au moment où j’allais me rendre chez elle, qu’elle ne pourrait me recevoir. Son fils, alarmé par ce message, me quitta brusquement : il devait revenir quelques heures plus tard; nous ne le revîmes pas. Le soir même, je reçus un billet de lui. — De fâcheuses nouvelles l’obligeaient à quitter Londres sans une minute de retard, et il ne pouvait, à quelques jours près, fixer d’avance l’époque de son retour. — Quelques mots par lesquels il me demandait, « quoi qu’il pût advenir, » de me garder à lui donnaient un caractère assez solennel à ces lignes, tracées évidemment sous l’empire d’une grave préoccupation. J’aurais voulu y répondre, mais on ne put me donner l’adresse de Hugh. Les domestiques de sa mère disaient simplement qu’il était allé à la campagne « chez des parens. »

Le lendemain, Godfrey arriva : il était convenu avec Christine que je me trouverais là pour répondre aux questions qu’il pourrait faire, et supporter le premier choc de son mécontentement; ma belle-sœur viendrait ensuite me porter assistance. Par suite de je ne sais quel malentendu sur l’heure où arrivait le train, j’étais à écrire dans ma chambre lorsque j’entendis une des femmes de service annoncer que «monsieur était là. » Le cœur me battit bien fort à ces mots, et en descendant au salon c’est tout au plus si je me sentais marcher... Là, du premier coup d’œil, je vis, à l’air consterné de Christine, aux sourcils froncés de mon frère, que déjà elle lui avait tout appris. A peine m’eut-il aperçue : — Savez-vous, me dit-il, savez-vous ce que vous avez fait en vous fiançant avec Wyndham?... Mais d’abord pourquoi m’avoir trompé?... Ne m’avez-vous pas