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qu’il prête sur vous à Owen, s’il venait à vouloir en faire un sujet de censure;... mais la chose est irrévocable, et j’emploierai à la lui faire accepter tout le crédit que me donne sur lui une réconciliation que ma mère a exigée de nous, comme marque de notre déférence pour elle. Cette réconciliation a été scellée le mois dernier à Paris, et la pensée de vous être utile a compté pour beaucoup dans les soins que j’ai pris pour rétablir entre Owen et moi la meilleure harmonie possible.

Quand je lui eus expliqué que j’ignorais moi-même la durée de notre séjour à Londres, puisque notre départ était tout à fait subordonné aux projets de mon frère, projets encore inconnus et que mille circonstances pouvaient modifier : — Je vois cependant, me dit-il, que peut-être vous passerez encore ici quinze jours ou trois semaines;... mais je dois craindre, n’est-ce pas? qu’il ne me soit pas permis d’en profiter pour vous voir chez votre frère, si proches voisins que le hasard nous ait faits... Oh ! je comprends, je comprends de reste, reprit-il, interrompant au début les excuses un peu embarrassées par lesquelles j’allais essayer de lui répondre... Je sais ce qu’on doit à certains préjugés, même lorsqu’ils nous atteignent par ricochet; mais vous me direz du moins de quel côté vous dirigez habituellement vos promenades, et vous m’autoriserez bien à m’en prévaloir pour vous rencontrer de temps en temps... J’ai tant de choses à vous dire, tant de consolations à vous demander.

J’hésitais à répondre, mais Philip, qui en ce moment était revenu à mes côtés, et dont quelques paroles amicales du » beau gentleman » avaient complètement subjugué le cœur, s’empressa d’inter- venir avec son à-propos ordinaire. — Ma tante Alswitha, dit-il, nous mène ici tous les matins, quand il ne fait pas trop chaud.

— Merci, mon petit homme... Je vous y porterai quelquefois des bonbons, reprit Hugh, qui, me voyant me lever, m’offrit son bras pour me reconduire.

Des malles, des paquets encombraient le vestibule au moment où nous rentrâmes. — Papa est arrivé ! s’écrièrent à l’envi les deux enfans. Ils ne se trompaient point, et Godfrey, quand il put se soustraire à leurs baisers, vint me presser dans ses bras. Sa physionomie respirait le bonheur, et je ne songeai même pas à y chercher la trace de ces soucis fiévreux qui, dans d’autres temps, l’avaient si profondément altérée. En le voyant au milieu de ses enfans, expansif, conteur, rajeuni à leur image, égayé de leurs jeux, comment se le figurer, tel que je l’avais vu parfois, dévoré d’une insatiable soif de justice, exécuteur acharné des sentences d’en haut? S’il était changé, ne l’étais-je pas autant que lui? Ce calme intérêt avec lequel je venais de rencontrer Hugh Wyndham, ce plaisir presque