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par mon ancien capitaine Stanhope, je fus accueilli par elle comme le fils et par conséquent l’héritier de mon père. Les encouragemens que je reçus d’elle à ce titre m’autorisèrent à solliciter la main de Lilian... Nous étions engagés l’un à l’autre quand sir William revint... il connaissait ma position, et blâma sa femme d’avoir autorisé des assiduités qui devaient, selon lui, cesser immédiatement. Pour s’excuser, lady Annesley prétendit que je m’étais donné comme possesseur actuel des domaines sur lesquels je n’ai qu’un droit de réversion. Stanhope intervint, et me justifia complètement de ce chef. Survint la mort d’Emmeline, qui augmentait de moitié le douaire dont je pourrais disposer en faveur de ma femme. L’amiral voulut bien alors revenir sur sa défense formelle, et me laisser l’espoir que, si ma carrière m’offrait des chances avantageuses, je pourrais un jour solliciter de nouveau la main de Lilian. Sur ces entrefaites et pendant une absence de quelques mois, on apprend que cette part de l’héritage paternel sur laquelle on avait fait fond allait m’être contestée... Vous vous souvenez de cette prétention, et vous savez par qui elle fut soulevée... De là nouveaux doutes, nouveaux retards... Lady Annesley m’en voulait encore, après tout, et du mensonge que j’avais dû réfuter, et de ce que sa fille avait pour moi « manqué sa fortune » en refusant les offres de ce noble imbécile qu’on appelle lord Southborough... Elle profita de ces rumeurs auxquelles donnait lieu le procès sur le point de s’engager; elle les grossit d’autres rumeurs qui tendaient à me représenter comme déshérité par mon père pour cause d’inconduite, pour menées scandaleuses, pour rébellion à l’autorité paternelle... Elle obtint enfin de son mari qu’il révoquât son approbation conditionnelle, et travailla aussitôt à me noircir aux yeux de sa fille. Lilian n’a qu’un défaut; elle est timide, elle manque de volonté. Crédule, obsédée, elle fléchit... Encore en mer, j’appris, par une lettre de son père, qu’elle me rendait ma parole et reprenait la sienne. Je me hâtai de revenir à Naples, pressé de m’expliquer, de réclamer contre cette décision sans motifs... Quand j’arrivai, Lilian Annesley était déjà la femme de lord Southborough!... On avait pressé le mariage, justement en vue de mon retour et des éclaircissemens que je pourrais apporter. J’arrivais effectivement les mains pleines de preuves et porteur d’une lettre de Halsey, qui m’annonçait l’avortement de ce procès dont vous aviez été menacée ainsi que moi. Tout cela venait trop tard, trop tard du moins pour le bonheur de ma vie. Quant à l’honneur de mon nom, il sortit pur de l’épreuve. Je forçai les Annesley à reconnaître que jamais je n’avais rien avancé que je ne fusse en état d’établir, après quoi, quittant Naples, je montai à bord de l’Atalante, qui, trois jours après, devait mettre à la voile pour Malte; mais quelques