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cette force s’accroît encore tous les jours. On ne doit point se faire une idée du nombre de volontaires que la Grande-Bretagne pourrait mettre sur pied dans l’éventualité d’une guerre par le chiffre de ceux qui existent aujourd’hui, — cent cinquante mille. Le colonel M’ Murdo, qui a étudié la question, estime qu’on trouverait alors en Angleterre un homme sur dix capable de porter les armes, ce qui élèverait à 550,000 hommes la puissance numérique de l’armée civile. Avec cela, dit-il, la Grande-Bretagne n’a rien à craindre. Quant aux citoyens déjà enrôlés sous les drapeaux, le même colonel, M’ Murdo, inspecteur-général des volontaires, qui les a passés en revue depuis quelques mois sur presque tous les points du royaume, paraît avoir une grande idée de leur valeur. Il n’hésiterait point dès aujourd’hui, déclare-t-il, à se mettre à leur tête et à les conduire au feu, en rase campagne, s’ils, étaient consolidés en bataillons. Là est en effet le travail qui reste à accomplir. Les volontaires, grâce à la manière dont ils se sont formés çà et là, ne présentent guère encore que des groupes, une force considérable, mais éparpillée, des ressources locales et, si j’osais risquer cette expression, une armée de clocher. Pour quiconque a suivi le mouvement avec attention et pour qui connaît le génie de l’Angleterre, il n’y a pas à s’étonner de ces commencemens. Quand on prend pour point de départ l’autorité, rien n’est plus facile que d’arriver tout de suite à l’unité, mais au prix de quels sacrifices ! Les Anglais ne procèdent point ainsi, ils laissent toutes leurs institutions se développer librement et sous l’influence du caprice. Il en résulte naturellement qu’à l’origine ces institutions semblent faites, comme on dit, de pièces et de morceaux ; mais par la force même du progrès les parties ne tardent point à s’organiser solidement autour d’un centre. Telle sera avant peu et telle est déjà la tendance de l’armée volontaire, quoique le mouvement de concentration ne puisse jamais effacer chez elle le caractère d’autonomie qui la distingue. Les divers groupes de riflemen et de canonniers ont en vue la défense de certains points, et à moins d’ordres supérieurs ils ne doivent point, même en temps de guerre, agir au-delà des limites du comté.

On se demande maintenant ce que l’Angleterre entend faire de cette force nationale à un moment donné, c’est-à-dire dans le cas d’invasion. Nul ne songe à séparer des mouvemens d’une armée régulière l’action des riflemen. Le duc de Cambridge, à un banquet de la Cité, déclarait, il y a quelques mois, que la nouvelle organisation était précieuse à titre d’auxiliaire, mais qu’il la considérerait comme nuisible aux intérêts du pays, si elle tendait jamais à déplacer les services des troupes et de la marine. Heureusement pour l’Angleterre ce danger n’existe point. La première idée était d’utiliser les volontaires pour couvrir les côtes en jetant autour de l’île