Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour les besoins du commandement. Il n’y avait aucune distinction de chambres dans les casernes, ni de tentes au milieu des camps. Les habitans de Liddesdale, le point le plus éloigné vers l’ouest qu’atteignit le cri d’alarme, craignirent tant d’arriver trop tard au rendez-vous, qu’ils mirent en réquisition tous les chevaux qu’on put trouver. Après avoir fait une marche forcée hors de leur pays, ils lâchèrent ces chevaux, qui retrouvèrent eux-mêmes leur chemin à travers les montagnes et retournèrent tous sains et saufs dans les écuries. Sir Walter Scott servait comme adjudant dans un régiment de cavalerie qui portait le nom de Royal Mid-Lothian. Son infirmité, car Walter Scott, comme on sait, était boiteux, n’avait point été un motif d’exemption, d’autant plus qu’à cheval il faisait grande et bonne contenance. Son zèle, son exactitude et sa joyeuse humeur le rendirent très populaire dans son régiment. L’adjudant Scott composa même alors un chant de guerre qui a été publié plus tard dans le Border minstrelsy ; mais, comme le poète n’était point reconnu encore dans ce temps-là, son chant ne fut, pour la plupart des officiers et des soldats, qu’un objet de ridicule. On répétait pendant la nuit dans les bivouacs le commencement de cette pièce lyrique : « À cheval ! à cheval ! » avec des rires et une expression grotesque. Nul n’est prophète dans son régiment, et ceux-là mêmes qui rendaient justice aux qualités militaires du jeune officier traitaient ses vers avec le plus suprême dédain. Walter Scott n’en fut pas moins en mesure d’observer de près le mouvement des volontaires écossais, sur lequel il a écrit dans la suite des pages intéressantes. Il loue surtout la marche des habitans du Selkirkshire, dont la demeure était souvent à une longue distance des divers points de réunion, mais qui ne se rassemblèrent pas moins au premier signal, et s’avancèrent à travers de mauvais chemins, faisant trente ou quarante milles sans débrider. Deux membres de ce corps de cavalerie étaient absens et se trouvaient alors pour affaires à Édimbourg. La femme d’un de ces gentlemen, nouvellement mariée, et la mère de l’autre, une veuve, envoyèrent les armes, l’uniforme et les chevaux des deux volontaires, pour qu’ils pussent rejoindre leurs camarades à Dalkeith. Walter Scott fut très frappé de la réponse d’une de ces deux femmes, la mère, à laquelle il adressait des éloges sur l’empressement qu’elle avait montré à mettre son fils en face du péril, quand elle aurait pu lui laisser une bonne excuse pour prolonger l’absence. « Monsieur, s’écria-t-elle avec l’ardeur d’une matrone romaine, nul mieux que vous ne peut savoir que mon fils est le seul soutien sur lequel s’appuie notre famille depuis la mort de son père ; mais j’aimerais mieux le voir étendu raide et sans vie sur le plancher de cette chambre que d’entendre dire qu’il a été de la lon-