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Il serait en effet surprenant que les Grecs, qui avaient établi des prix de tant de sorte, n’en eussent point proposé aux artistes. Dès l’époque homérique, les jeux funèbres sont un concours : Achille distribue les récompenses avec autant d’équité qu’un juge des jeux néméens ou olympiques. Outre les exercices du corps, la poésie, la tragédie, la comédie, la danse, la musique, étaient le sujet de concours répétés. Une inscription de Téos nous apprend qu’il y avait jusqu’à des concours de calligraphie. Il y avait des concours pour les hérauts et pour les trompettes. Enfin, ce qui paraît un acheminement vers l’art, les Grecs avaient établi des concours de beauté. Celui-là seul qui avait remporté le prix de la beauté pouvait être prêtre de Jupiter à Ægæ, ville d’Achaïe, prêtre d’Apollon à Thèbes, ou devait conduire la procession de Mercure à Tanagre. Le grand Sophocle avait obtenu un prix semblable dans sa jeunesse. Comment l’art seul aurait-il été excepté? car les suffrages de l’opinion publique n’ont jamais le stimulant ni la précision des suffrages d’un tribunal spécial. Il est aisé de montrer, malgré les lacunes de l’histoire, que les Grecs avaient institué également pour les artistes des concours solennels.

Corinthe est la première ville de la Grèce continentale où la peinture fut cultivée avec succès. Les Corinthiens prétendaient même l’avoir inventée, et, pour justifier une prétention peu conforme à la vérité, ils instituèrent de bonne heure des concours de peinture. Ce fut à Corinthe que Parrhasius fut couronné pour son tableau de Bacchus.

Les habitans de Delphes suivirent cet exemple. Dès le siècle de Périclès, Polygnote fut appelé à Delphes pour décorer l’édifice qu’on appelait Lesché. La présence d’un peintre aussi illustre ne fut pas sans influence sur les décisions du conseil amphictyonique ; il avait conquis une grande autorité en refusant de recevoir aucun salaire, car le désintéressement rehausse les hommes et leur gagne le respect. En effet, aussitôt après Polygnote, on voit un concours de peinture établi à Delphes. Deux concurrens sont même cités. L’un est Panænus, frère de Phidias; l’autre, Timagoras de Chalcis. Timagoras fut vainqueur et composa des vers pour célébrer sa victoire.

Ces concours étaient entourés d’apparat; ils servaient au plaisir public, ils ajoutaient à l’éclat des fêtes, cela n’est point douteux, surtout à Corinthe et à Delphes, où rien n’était épargné pour rivaliser avec Olympie et pour attirer la Grèce entière aux jeux de l’isthme ou aux jeux pythiques. Il y avait donc une exposition. Je soupçonne même que les Éléens n’étaient point restés en arrière et qu’ils avaient aussi leurs expositions de peinture, car Lucien raconte qu’Aétion apporta son fameux tableau des Noces d’Alexandre à Olympie pour l’exposer. Proxénidas, un des magistrats qui prési-