Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en prenant leurs quartiers d’hiver, se donnent pour le printemps prochain. — Les questions militaires demeurent à l’ordre du jour partout, nous répondra-t-on. — Quoi d’étonnant après ce qui se passe depuis deux ans ? Et n’est-il pas naturel que les armes continuent à faire quelque fracas encore après avoir joué un rôle si important ? — Passons rapidement, si l’on veut, la revue de ces questions d’armemens que l’on conserve à l’ordre du jour, tout en donnant congé à la guerre pour cette fin d’année.

Garibaldi, en partant pour sa retraite de Caprera, demande l’armement d’un million d’hommes en Italie pour le printemps prochain. Le prodigieux dictateur nous a habitués aux hyperboles, et l’on est autorisé à ne pas toujours lire l’accomplissement d’un fait dans l’expression d’un de ses désirs. On revient sur le terrain de la réalité en admettant que les Piémontais travaillent à compléter les cadres d’une armée de trois cent mille hommes. Un mouvement de réciprocité engage sans doute les Autrichiens, comme le constatent au surplus les statistiques des transports militaires par voie de chemins de fer, à prendre en Vénétie toutes les précautions d’une vigoureuse défensive. En dehors des deux antagonistes indiqués, les autres pays continuent à donner la première place aux questions militaires. Parlerons-nous de l’Angleterre ? Elle poursuit les armemens entrepris depuis une année, et comme en ce pays il faut toujours donner publiquement la glose de la politique pratiquée, lord Palmerston vient de présenter au banquet du lord-maire une piquante variante aux explications par lesquelles il avait d’abord justifié les préparatifs anglais. Le langage de cet homme d’état dans cette solennité a été, nous en sommes convaincus, sincèrement pacifique ; il a été impossible pourtant au malicieux premier lord de la trésorerie de ne pas épicer d’une pointe de persiflage ses protestations le mieux et le plus chaudement senties. Il nous a avertis spirituellement que c’est pour être digne de notre alliance et de notre amitié que l’Angleterre est tenue de persister dans le développement extraordinaire qu’elle a donné à sa marine et à son armée. Comment en voudriez-vous à des gens qui, sachant si bien calculer, mettent un prix si haut à la conservation de vos bonnes grâces ? En France, nous parlons peu : nous ne sommes plus assez bavards pour avoir besoin de trouver des raisons aussi ingénieuses, afin de justifier nos actes à nos propres yeux et à ceux d’autrui. Pourtant nous sommes à la veille d’entreprendre une grande expérience dans l’organisation de notre armée. La conférence de maréchaux qui a été réunie le mois dernier sous la présidence de l’empereur n’a été un mystère pour personne. L’on a su également quel était l’objet des délibérations de cette haute assemblée : il s’agissait de constituer la réserve de l’armée. L’on dit que le plan adopté fera disparaître les non-valeurs qui résultaient de l’application de notre système de recrutement, et utilisera la totalité des contingens annuels, tout en n’obligeant la moitié des contingens qu’à une courte présence aux dépôts des corps pour faire et entretenir leur éducation militaire. Incompétens en