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prétentions personnelles à ce royal héritage, les droits plus positifs de Marie de Bretagne sa femme, fille d’un prédécesseur de François II. Devant la perspective de disposer bientôt lui-même du duché objet de ses plus ardentes convoitises, Louis XI perdit toute prudence et tout sang-froid, car il manqua toujours à ce grand politique de demeurer maître de ses premiers mouvemens. Il accueillit donc avec éclat le jeune seigneur, et lui fit des promesses dont Rohan ne se crut point tenu à garder le secret.

Alarmé par la fuite de son premier sujet, François II de son côté s’empressa de renouer avec ses confédérés de la veille, et même, paraît-il, avec l’Angleterre, des relations que dans ce siècle sans foi il n’était pas moins facile de reprendre que de briser. Quelque secret qu’il y pût mettre, aucun de ses mouvemens ne devait échapper à Louis XI; ce prince imagina donc de soumettre le grand vassal, dont il connaissait fort bien les engagemens à une épreuve délicate. Il lui envoya le collier de son ordre de Saint-Michel, récemment institué, dont les statuts contraignaient à jurer sous la sanction des sermens les plus terribles qu’on était libre de toute alliance avec les ennemis du roi fondateur. Très peu soucieux de tenir ses promesses, François II éprouvait pourtant d’invincibles scrupules à joindre le parjure au mensonge : il renvoya le collier, au risque de provoquer par ce refus une déclaration de guerre qui fut en effet presque instantanée. Cette péripétie ne devait être d’ailleurs ni beaucoup plus sérieuse, ni beaucoup plus durable que celles qui l’avaient précédée. Selon le programme invariablement tracé pour toute rupture avec la France, le duc avait repris son alliance avec la Bourgogne et avec le duc de Berri, auquel le roi son frère venait de conférer la Guienne afin de remplacer la Normandie, réunie à la couronne. La mort trop opportune, hélas! de ce malheureux prince, fortifiant soudainement la politique de Louis XI par l’effroi même qu’il inspirait, rompit les mesures fort mal concertées de la coalition nouvelle. De plus, si mollement que se suivît la guerre en ces jours de machinations ténébreuses, les troupes royales faisaient sur les frontières de la Bretagne des progrès assez alarmans, de telle sorte que François, sachant d’expérience à quel prix Louis rachetait ceux dont il avait besoin, bien assuré «qu’il ne les tenoit oncques en nulle hayne pour les choses passées, » se résolut à recommencer à Senlis la comédie d’Ancenis. Il fit offrir d’abandonner une fois de plus ses alliés, et c’était partie que ne se refusait jamais à jouer le roi de France. On signa donc un nouveau traité de perpétuelle paix, amitié et confédération, dont le texte, très respectueux pour le seigneur suzerain, ne sortait pas des plus pauvres banalités, et en échange de ces courtoisies le roi reçut le duc « comme son bon parent et ne-