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qui confondent encore l’esprit des naturalistes habitués à ne s’étonner de rien : des êtres qui ressemblent à ces joujoux chinois formés d’une boule d’ivoire qui contient une pyramide dans laquelle se trouve une seconde boule, puis une pyramide, et ainsi à l’infini. De même des animaux sont infestés par un second, qui en nourrit un troisième, et ainsi tant que les yeux peuvent voir et les microscopes grossir.

Malheureusement pour la théorie des hétérogénistes, l’ouvrage de Steenstrup sur les générations alternantes, et surtout les observations de MM. Leuckart, Kuchenmeister et Siebold, ont sinon expliqué la présence et l’existence des helminthes, du moins ébranlé plusieurs de ces preuves qui semblaient inattaquables, et donné l’idée d’une théorie plus singulière peut-être, mais non plus incroyable que la génération spontanée. Ils ont pensé que les entozoaires si divers d’animaux peu différens pouvaient être les transformations d’un même animal qui varie avec les lieux qu’il habite, et ces transformations se sont trouvées récemment confirmées par MM. Zencker, Virchon, et M. Lafosse, professeur à l’école vétérinaire de Toulouse. On a vu les mêmes helminthes passer d’un animal sur un autre, tantôt en conservant leur forme, comme le trichina spiralis, qui peut vivre dans les muscles du chien, de l’homme et du porc, tantôt en se transformant, comme le cœnure cérébral du mouton, qui devient tænia serrata chez le chien. De même le cysticerque du foie des souris est, dit-on, une forme du ténia du chat, celui des lapins une forme du ténia du chien, le ténia de l’homme une forme du cysticerque du porc, le cœnure du cerveau du mouton est le ténia du chien transformé, etc. Les migrations de ces animaux sont ainsi plus vraisemblables, et leur variété est moins surprenante. Il est vrai que, pour un critique impartial, ces observations ne sont pas certaines, et que tous ces changemens de nature et de forme ne sont pas tout à fait démontrés. Ces migrations d’un animal sur l’autre restent difficiles à bien comprendre. Le porc cru n’est pas une nourriture assez usuelle pour être l’unique source des helminthes si nombreux chez les Anglais et les Français, et les chiens de berger ne mangent pas toujours les moutons confiés à leurs soins. De plus, ces expériences sont délicates. Lorsque l’animal sacrifié est infesté, rien ne démontre qu’il ne fût pas originairement malade, et que l’helminthe retrouvé provienne de l’helminthe avalé. En outre, la fréquence des uns et la rareté des autres sont une preuve que l’on pourrait encore invoquer. On conçoit qu’il faudrait, pour combattre ou soutenir sérieusement cette doctrine, parler de chaque espèce en particulier, et démontrer pour les cestoïdes, les trématoïdes, les échinorrhyngues, les ascarides, les