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plus difficile de prouver que quelques germes ont échappé à la destruction que d’admettre que l’air ainsi tourmenté, chauffé, chargé peut-être de quelques vapeurs acides, est peu propre à ces phénomènes. Même en employant un air formé d’oxygène pur se dégageant d’une cornue, en humectant la matière organique presque carbonisée avec une eau obtenue directement par la combinaison de l’hydrogène et de l’oxygène, M. Pouchet et en même temps que lui M. Mantegazza ont vu les mêmes faits se produire, comme si l’eau avait été puisée à la fontaine, comme si la matière organique se décomposait à l’air libre.

Une expérience inverse a, si je ne me trompe, une portée plus grande. Si l’air contient tous les germes, si les corpuscules de la poussière dont le rayon de soleil dévoile l’existence et le nombre sont des ovules, plus le courant d’air est fort, plus les animalcules doivent être nombreux, et des infusions de poussière sont merveilleusement fécondes. Or ces deux conclusions, qui semblent naturelles, ne sont pas justifiées par l’expérience. Une quantité d’air, même énorme, n’augmente pas sensiblement la production. Des poussières ramassées dans le laboratoire de la ville de Rouen n’ont pas donné plus de microzoaires que la même quantité de matière organique. Un courant d’air traversait des vases remplis de substances diverses, et des animaux divers apparurent dans chacun d’eux, sans que jamais ni eux ni leurs germes parussent passer d’une infusion dans l’infusion voisine. En outre il n’y a pas d’ordinaire entre les animalcules des différences de grosseur sensibles, de sorte qu’il est difficile de supposer que le premier d’entre eux soit né d’un germe fortuitement apporté, et qu’il ait à son tour produit les autres par les voies ordinaires de la multiplication.

Comme les infusoires, des végétaux inférieurs se produisent dans des circonstances analogues et ont conduit M. Pouchet à la même conclusion. Il ne croit pas non plus que l’air puisse ainsi, dans tous les cas, disséminer leurs germes comme les flots de l’Océan ont apporté en Scandinavie les fruits du mimosa et du cocotier. Il a remarqué au contraire que rarement les plantes s’étendent au-delà d’un certain rayon. De même dans la mer les poissons n’habitent que des zones déterminées. Il a cité la violette de Rouen, qui vit, sans en jamais sortir, dans un espace de quelques toises. Toutefois des exemples inverses sont nombreux, et il est très simple d’admettre que des graines légères peuvent être transportées par le vent. A leur tour, les hétérogénistes invoquent ces deux faits : d’abord les plus minutieuses observations sur l’air et la poussière n’ont jamais montré aucun de ces ovules ; on y a trouvé des parcelles d’animaux, des détritus de plantes, de la silice, du noir de fumée, des sque-