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notre époque un avantage notable sous le rapport du soin apporté aux expériences, des précautions prises pour éviter l’erreur, enfin de l’exactitude des descriptions. Spallanzani, la plupart du temps, ne dit pas sur quels animaux il opérait, et ces animaux n’étaient pas aussi bien classés qu’ils le sont aujourd’hui, quoiqu’au siècle dernier le grand mérite des naturalistes doive être placé surtout dans les descriptions et les classifications. L’exposition des procédés de M. Pouchet montrera combien de causes d’erreurs sont cachées sous une expérience qui semble facile, et quelles explications deviennent admissibles dès qu’une précaution est omise. Nous le répétons, c’est de cela seul qu’il s’agit, et l’on ne prétend pas ici décrire avec détail le développement et la production des êtres vivans. Une partie importante de ces problèmes a été traitée ici même, avec le talent qu’on leur connaît, par M. Maury et par M. de Quatrefages[1]. Il ne s’agit maintenant que de ces expériences nouvelles dont le premier entrevoyait l’importance, et qui n’ébranlent pas la conviction du second : il en a donné d’excellentes raisons devant l’Académie des Sciences. Pourtant il faut citer les deux savans illustres qui ont tracé à M. Pouchet la voie dans laquelle il marche, et qui, si les autorités étaient quelque chose, s’il fallait penser d’une façon parce qu’un maître a pensé ainsi, nous donneraient d’excellens argumens. Le premier est Othon-Frédéric Müller, qu’il ne faut pas confondre avec cet autre Müller, également physiologiste, qui est plus indécis sur ce point. Othon-Frédéric Müller n’hésite pas à affirmer que les animaux et les végétaux se décomposent en particules organiques douées d’un certain degré de vitalité et constituant des animalcules très simples. Ces animalcules peuvent se développer comme des germes par l’adjonction d’autres particules, ou concourir eux-mêmes au développement de quelque autre animal pour redevenir libres après la mort et recommencer éternellement un pareil cycle de transmutations. La vie se transmettrait ainsi du mort au vivant, de même qu’un corps s’échauffe au contact d’un autre qu’il refroidit. Pour Müller, la force vitale qui s’échappe de l’être qui meurt anime des êtres inférieurs par leur organisation et la nature même de leur vie, car il peut y avoir des vies de plusieurs sortes, comme il peut exister des âmes de natures fort diverses. Il n’admet ces principes que pour des animaux très imparfaits, et Lamarck paraît avoir pensé comme lui, dans quelques-uns de ses livres du moins. Enfin le second et le plus illustre partisan de la génération sans germes, c’est l’auteur du plus beau livre de physiologie qui ait été écrit depuis Haller, c’est Burdach. Ici on ne peut trouver ni trouble, ni hésitation, ni pré-

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1855 et du 1er novembre 1859.