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sifiée de mille façons. Elle lui semblait concluante, et devait en effet embarrasser ceux qu’on appelle aujourd’hui les hétérogénistes. Ayant recouvert d’une gaze légère, qui empêchait les insectes d’approcher, les substances abandonnées à la décomposition naturelle, il ne vit apparaître aucun être animé. Les mouches voltigeaient autour de la substance expérimentée, mais ne pouvaient s’y poser, et Redi concluait qu’elles seules, en laissant leurs œufs sur des matières propres à les développer et à les nourrir, sont les causes et les parens des vers et des insectes qui apparaissent. Il n’alla pas plus loin, et, malgré quelques découvertes sur ces animaux parasites qui naissent, vivent et meurent dans l’organisation d’autres animaux, il ne généralisa pas autant qu’on le pense d’ordinaire sa conclusion, et admit la possibilité, dans quelques cas restreints, de la production spontanée d’une organisation vivante ; mais les premiers coups étaient portés, et son livre avait produit un grand effet. Puisqu’une des productions équivoques était expliquée naturellement par des germes, les autres devaient pouvoir l’être également. Il est naturel de croire, lorsque la première porte est ouverte, qu’on est déjà dans la citadelle, et les successeurs de Redi, Vallisneri et Swammerdam, achevèrent de gagner sa cause. Par leurs découvertes sur le mode de reproduction des insectes, sur leurs organes et leurs œufs, ils rendirent plus probable la généralité du principe d’Harvey : omne vivum ex ovo (tout être vivant vient d’un œuf), aphorisme qui n’est pas aussi contradictoire avec la théorie de M. Pouchet qu’on pourrait le penser. Réaumur, dans son ouvrage excellent, qui aujourd’hui encore est un modèle, exposa et compléta leurs découvertes. La philosophie même de ce temps vint en aide à la physiologie : on ne pouvait penser que ces organes compliqués, rendus évidens par le microscope chez ces êtres si petits et en apparence si simples, fussent inutiles, et que la reproduction pût s’opérer sans eux. « La nature ne fait rien en vain, elle va toujours à l’épargne, » disait plus tard Maupertuis, et quoi de plus vain et de plus prodigue que la création d’organes si parfaits, d’ovules formés avec tant de soins, si des matières décomposées, quelques combinaisons fortuites, pouvaient les remplacer ? Ces organes du reste, on les trouvait chez tous les animaux que les instrumens permettaient de bien voir, et par une induction naturelle on prévoyait qu’on en trouverait chez tous les êtres que des observateurs plus patiens, aidés par des instrumens plus parfaits, pourraient étudier et décrire.

Il serait inutile d’insister sur les expériences et les opinions de chaque physiologiste du dernier siècle. Il nous suffit d’avoir montré que le problème qui préoccupe nos contemporains n’est ni nouveau ni d’une importance médiocre. Il importe aussi de revendiquer pour