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les savans, s’il y en avait, ne formulaient guère d’opinions plus précises, et la physique d’Aristote régnait sans partage, embellie même d’une foule de contes et d’observations mal faites qui n’auraient pas été accueillies par l’esprit philosophique du maître. Dans le difficile problème qui nous occupe, les doutes ou la controverse étaient à peine formulés, et ce n’est qu’au milieu et surtout à la fin du XVIIe siècle que des opinions sérieuses se sont manifestées. Alors en effet la découverte du microscope simple vint montrer des milliers, des milliards d’animaux inconnus. On vit se peupler l’air qui paraissait le plus pur, l’eau la plus limpide, la matière organique la mieux préservée. Le monde visible et ses variétés nombreuses n’étaient rien auprès de ce monde invisible aux infinies variétés. On vit que la moindre goutte d’eau peut contenir autant de monades qu’il y a d’habitans sur la terre entière. Or, si la production spontanée était alors admise pour des animaux complexes et comparativement gigantesques, comment eût-elle paru invraisemblable pour ces animalcules si divers et d’ordinaire pourtant si simples ? Comment croire que ceux-ci, autant et plus que ceux-là, eussent des œufs, des fécondations, des naissances soumises aux mêmes lois, à peine entrevues, qui réglaient les animaux supérieurs ? Si, pour les derniers venus du monde ancien, on ne croyait pas les germes nécessaires, n’en devait-il pas être de même, à plus forte raison, des êtres les plus parfaits de ce monde nouveau ?

Mais en même temps les esprits devenaient plus exigeans en fait de précision scientifique, et des théories sur la vie et les êtres vivans apparaissaient. Puisque les plantes étaient produites par des germes et que tout chêne vient d’un gland, tout épi de blé d’un grain de blé, les animaux ne devaient-ils pas être soumis à la même loi ? Si les êtres étaient petits, les germes, les ovules devaient être supposés plus petits encore, et puisque avec des peines infinies on apercevait tout au plus les uns, quoi d’étonnant que les autres fussent invisibles ? Le microscope même, qui semblait d’abord une arme excellente aux partisans d’Aristote, servit bientôt à montrer que ces êtres si petits étaient plus compliqués qu’on ne pensait, et qu’ils avaient des organes analogues à ceux des animaux plus parfaits. Il montra aussi les lois de reproduction et les organes de quelques êtres qui semblaient les produits fortuits de la décomposition et de la putréfaction, et puisqu’on s’était trompé sur les uns, ne pouvait-on pas se tromper sur les autres ? Alors bien des fables disparurent de la science ; des raisonnemens, des observations se produisirent, et la guerre commença.

C’est à Redi, médecin toscan, célèbre parmi les physiologistes, qu’on attribue la première expérience qui devait dès lors être diver-