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leurs pères, courtiser cette nouvelle aristocratie en adoptant le costume des Huns et des Goths? Ricimer avait appris la guerre sous Aétius, et il avait eu pour compagnons d’armes les meilleurs officiers de cette grande école, les plus nobles âmes de cette malheureuse période, Égidius, Marcellinus et Majorien. Lorsque le vainqueur d’Attila eut été assassiné par Valentinien III, Égidius dans les Gaules, Marcellinus en Dalmatie, proclamèrent l’indépendance de leurs provinces, ne voulant pas servir plus longtemps le lâche meurtrier de leur général. Ricimer eut moins de scrupules, il se prosterna et reçut son salaire. Valentinien à peine détrôné par Maxime, Ricimer est déjà aux pieds du vainqueur, et de nouvelles dignités sont le prix de sa trahison. Avitus succède à Maxime; le premier serviteur qui l’accueille en Italie, c’est toujours Ricimer. Enfin de bassesse en bassesse il arrive au commandement général des milices, et assuré désormais de sa puissance, il entreprend l’exécution de ses projets. L’empereur Avitus s’étant aliéné l’esprit du sénat, Ricimer saisit résolument l’occasion, attaque le vieillard, le force d’abdiquer, et fait monter sur le trône son ancien compagnon d’armes Majorien, qui lui confère la dignité de patrice. C’était le seul titre qui lui manquât, le dernier degré du pouvoir auquel un Barbare eût le droit de prétendre. Chef de l’armée, il allait dicter la loi à l’empereur; déjà, en donnant le sceptre à Majorien, il croyait avoir acheté sa soumission. « Le grand cœur de Majorien, dit M. Thierry, se refusa à ce vil marché; il voulut régner, il régna; il se rendit populaire, et Ricimer le fit tuer.»

Les empereurs que faisait Ricimer devaient être ses esclaves ou mourir. Tel fut le sort de Sévère, homme obscur, âme commune, que le Barbare alla prendre on ne sait où pour lui imposer l’héritage de Majorien. Esclave de Ricimer pendant quatre ans, pendant quatre ans il garda sa couronne; le jour où il voulut être quelque chose, il périt empoisonné. Ricimer ne lui avait pas encore donné de successeur, et l’interrègne durait depuis seize mois, lorsque le sénat, honteux de tant d’humiliations, prit le parti de demander un empereur d’Occident à l’empereur de la Romanie orientale. C’était un coup hardi; la députation qui alla porter cette requête à Léon dans son palais de Constantinople semblait annoncer au monde le réveil du patriotisme romain. Le patrice barbare, qui ne voulait rien brusquer, eut soin de dissimuler sa colère; bientôt cependant, soit que l’empereur Léon connût bien la situation de l’Occident et voulût prévenir une lutte, soit que Ricimer eût fait lui-même ses conditions, on apprit que le nouvel élu, l’un des plus grands personnages du monde, l’ami de l’empereur Léon, le futur empereur d’Occident, concluait une solennelle alliance avec Ricimer, et lui promettait sa