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vices, où elles tombent. Celle du raisonnement mène à une réserve débilitante, à une timidité dans les entreprises nouvelles ou importantes qui provient de la faculté de se représenter d’avance toutes les éventualités. Dans la morale, l’esprit de conséquence devient une sorte de callosité à l’égard de toute cruauté qui est impliquée dans la logique de la situation. Regardant principalement aux moyens qui sont l’objet de la raison, non aux motifs, comme dans la conscience, ni au but, comme dans la religion, l’homme de raisonnement peut, une fois lancé, être poussé de crime en crime, sans malveillance de dessein, sans cruauté de caractère, mais simplement par obéissance aux exigences commandant la conséquence avec ce qui est fait et la consommation de ce qui est conçu. Le côté faible de la philosophie est une indifférence pour les suggestions des sentimens et des superstitions du genre humain, indifférence inspirée par une confiance prématurée en la suffisance, de la raison, ou, si l’on veut, ce sera un excès de théorie qui n’est pas appuyé sur les faits et les traditions appartenant aux autres races. Quant aux manières, le défaut se manifeste de deux façons : être trop accessible aux impressions de la société, ce qui rend inconstant, et faire perversement des qualités qui ornent l’homme un masque de dissimulation. La manie de la sociabilité atteint son extrême, quand, revêtant cette forme d’ambition qui n’est ni avidité brutale ni aveugle domination, elle devient ce qui a été si bien décrit comme la dernière infirmité des nobles âmes, un désir de gagner l’approbation ou même un souci du monde tel qu’on sacrifie les droits privés à la considération collective. »

Ce portrait est beaucoup plus français que celtique ; pourtant il y a aussi du celtique dans ce portrait français, puisque nous sommes les descendans des Gaulois et leurs héritiers pour ce beau pays que baignent l’Océan et la Méditerranée, et que bornent les Pyrénées, les Alpes et une frontière ambiguë dans les plaines belgiques. Autrefois c’était Gaule aussi ; mais depuis longtemps, même avant la conquête romaine, des tribus germaniques s’y sont établies et y ont gardé leur idiome teuton, tandis que les Gaulois se laissèrent modifier par l’influence de Rome au point d’échanger leur langue pour le latin : effacement si complet que ce fut une tâche laborieuse pour l’érudition de démontrer que la langue des Gaules était de même famille que le celtique de Basse-Bretagne, du pays de Galles, d’Ecosse et d’Irlande ; effacement enfin qui serait très surprenant, si le même phénomène ne s’était produit aussi en Espagne pour l’Ibérien.

Je recommande aux lecteurs de cet ouvrage le chapitre de Macbeth et des Celtes ; certainement, quelque restriction qu’ils apportent aux vues de M. O’Connell, ils en retireront le profit d’avoir envisagé