membre d’une nation. Le moment créateur dans Shakspeare fut quand il voulut non pas effacer ces touches pour aller à ce qu’il y a de plus général dans l’homme, mais les conserver et les achever pour les superposer, comme fait la réalité, à ce qu’il y a en l’homme de plus général. Là fut l’origine du drame nouveau. Dès lors que l’œil de son génie s’ouvrait sur cette condition de l’art, tout venait lui faciliter sa tâche. De son temps, les nations, ne s’étant point autant assimilées, portaient des signes visibles. Qui, à première vue, ne reconnaissait un Lombard, un Italien, et qui, dans son esprit, n’avait une idée toute faite de certains types alors frappans ? Ces nations, ces variétés humaines, posaient devant le poète, et le poète put voir et crayonner.
Dans Othello sont Iago et les Italiens, dans Hamlet les Germains, dans Macbeth les Celtes. Si j’ai bien compris M. O’Connell, tandis que l’Italien reçoit naturellement ses impressions du dehors, le Teuton les reçoit naturellement du dedans, et le Celte lie par sa nature intermédiaire les deux points de vue. Cette remarque mérite d’être recommandée à l’attention de celui qui, s’occupant de la biographie des peuples, cherche à introduire dans leur histoire les motifs profonds, mais réels, de leurs actions ; mais elle le mérite, suivant moi, sous deux conditions qu’il importe de signaler. D’abord, par Celtes on entendra les Français, puisque parmi les populations dont l’origine remonte jusqu’aux Celtes, il n’y a que les Français qui témoignent de cette aptitude ; les Bas-Bretons durant leur autonomie, les Gallois, les Gaëls d’Écosse et même les Irlandais, qui forment un gros corps de nation, en un mot tous ceux qui n’ont pas été latinisés n’ont jamais joué ce rôle et exercé cette influence. En second lieu, les trois traits de l’Italien, du Teuton et du Celte signalés par M. O’Connell sont une manière d’être de l’esprit qui lui donne une certaine empreinte, mais qui ne le limite en aucune façon. C’est, si je puis me servir de cette comparaison, un timbre propre à chacune de ces nations : dans les corps sonores, le timbre est argentin, ou cuivreux, ou aérien, sans que pour cela le nombre des vibrations soit limité ou la pureté du son altérée. De même ici, France, Italie, Angleterre, Allemagne, Espagne, résonnent différemment au souffle des événemens et des idées, sans que pourtant d’aucun côté les grandes choses et les grandes idées aient fait défaut ou doivent faire défaut. Dans le long cours du temps, les équivalens s’établissent entre ces populations qui, comme on le verra dans le paragraphe suivant, ou sont de même race, ou ont été assimilées par une