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gouvernement prussien s’efforce au contraire de restreindre de plus en plus la compétence de la diète, et cherche à la réduire au minimum le plus strict, à ce qui concerne seulement la sécurité et la défense du territoire allemand[1]. L’intervention même de la Prusse en faveur de la Hesse n’a pour objet que de défendre cette province contre l’injuste intervention de la diète. Dans sa politique fédérale, la Prusse borne ses prétentions à quelques changemens dans l’organisation de l’armée allemande sans avoir réussi encore à les faire triompher. N’est-ce pas indiquer suffisamment quelles préoccupations dominent aujourd’hui toutes les autres? On va au plus urgent; on entoure les fortifications fédérales d’une nouvelle ceinture de défenses, et le prince-régent est plus pressé d’approvisionner ses confédérés des canons rayés fondus en Westphalie que de leur imposer des programmes politiques.

Les difficultés de la politique prussienne sont grandes. La Prusse est obligée, dans l’intérêt de sa sécurité et de la sécurité même de l’Allemagne, de ne pas séparer entièrement son action de celle des grandes puissances européennes. D’une autre part, elle doit conserver en Allemagne un prestige fondé sur la défense des droits populaires et devenu une partie essentielle de sa force. Libérale, elle ne veut pas laisser entraîner son libéralisme jusqu’à la révolution. Conservatrice, elle ne doit pas attacher sa politique à la cause perdue de l’absolutisme. Elle navigue ainsi entre des écueils également périlleux, où elle peut faire naufrage en entraînant les espérances de l’Allemagne entière.


III.

Si les gouvernemens allemands appliquent aujourd’hui tous leurs soins à leur préservation personnelle et lèguent à un avenir lointain le soin de constituer l’Allemagne sur des bases meilleures, y a-t-il au moins des partis capables de les suppléer, de leur imposer des principes et une conduite politiques?

Les partis n’ont pas encore compris en Allemagne quelle pourrait être leur puissance. Ils se trouvent en réalité dans des circonstances plus favorables que dans la plupart des autres pays de l’Europe. Ils ne s’agitent pas dans des intérêts dynastiques, et par conséquent leur politique a des allures plus libres, se soustrait plus facilement aux interprétations mensongères et aux répressions impitoyables; ils dépassent dans leur objet les bornes des monarchies et des principautés particulières, et quand le champ de l’action leur est fermé sur quelque point, ils peuvent retrouver ailleurs un autre

  1. On peut lire à cet égard une circulaire de M. de Schleinitz en date du 6 juin 1860.