Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessinée dès les premiers jours de sa régence, consistait à s’appuyer sur le sénat, trop négligé jusqu’alors par les empereurs chrétiens et justement blessé de leur défiance ou de leur dédain. Stilicon fit même espérer à la vieille Rome qu’il ramènerait dans ses murs l’empereur et le siège de l’empire, afin de retremper l’autorité impériale dans les grands souvenirs de la ville éternelle. Tout le monde applaudit à cette fin inespérée des discordes civiles : les partis fatigués acceptèrent la trêve ; les deux armées, encore en présence, mirent bas les armes, et l’Italie respira. Stilicon pourtant promettait plus qu’il ne pouvait tenir et la suite ne le fit que trop voir ; mais il lui fallait en Italie un apaisement prompt pour gagner sa liberté d’action vis-à-vis de l’Orient. Par une ambition qui n’était pas sans patriotisme, il voulait faire de sa cause personnelle la cause de l’empereur, de l’armée, du sénat, de l’Occident tout entier.


II.

Les fiançailles d’Honorius et de Marie, faites au lit de mort de Théodose, furent un coup habile de Stilicon et de Sérène, qui assiégeaient à qui mieux mieux les derniers instans du moribond, Théodose, qu’alarmait à bon droit l’avenir d’un si jeune fils, vit dans ce projet d’union un nouveau devoir de protection imposé au tuteur, un nouveau lien d’affection créé entre le pupille et lui. Une fois son consentement donné, Sérène n’eut pas de cesse que les fiançailles ne fussent célébrées pendant qu’il vivait encore. Honorius, ainsi que nous l’avons dit, touchait à sa onzième année ; Marie était plus jeune, et Claudien nous peint en vers gracieux sa figure douce et rosée, qu’accompagnaient de longs cheveux châtains. Amenés en grand appareil près du lit de douleur, les deux enfans étonnés échangèrent l’anneau d’usage, et répétèrent les paroles qu’on leur dicta, puis ils sortirent en silence pour laisser la place libre aux apprêts de la mort. Les deux cérémonies semblèrent presque se confondre, et le flambeau du paranymphe put aller rejoindre au convoi les torches funéraires.

Cette alliance, qui faisait de Stilicon plus qu’un régent de l’Occident et plus qu’un tuteur du prince, excita au plus haut point la jalousie de Rufin. Le préfet d’Orient prétendit aussi être beau-père d’empereur et l’être sans délai, attendu qu’Arcadius, à la différence de son frère, avait atteint l’âge de puberté, et que lui-même avait une fille nubile. Il fit suggérer au jeune empereur la pensée d’épouser cette fille. Lui-même, devenu tout à coup de ministre impérieux sujet humble et obéissant, accabla le prince de tant de caresses et de flatteries, le circonvint de tant de façons, qu’Arcadius, à qui l’idée d’une femme ne causait guère d’inquiétudes, et qui ne vit dans le