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ainsi maintenue par la seconde, la navette soit de la première, entre dans la seconde, l’allonge, la couche et la maintient jusqu’à ce que l’aiguille introduise la troisième, et ainsi de suite. Quelquefois la navette tient elle-même près de sa pointe un fil qu’elle introduit successivement dans toutes les boucles, les serrant ainsi et les attachant l’une à l’autre ; alors la couture est à deux fils et devient vraiment indécousable. On règle à volonté la longueur des points en tournant la vis des bobines. L’étoffe est entraînée par le mouvement automatique ; si l’on ne coud pas en ligne droite, de la main gauche l’ouvrière dirige l’étoffe dans le sens qu’elle veut donner à la couture, et de la main droite elle tourne la roue. On peut aussi, au moyen d’une courroie et d’un levier, remplacer l’action de la main parcelle du pied ; quelquefois même on a recours à la vapeur. Ces machines sont employées en France à coudre les étoffes et le cuir, à border les chapeaux et à exécuter diverses sortes de broderies. La couture est aussi fine que l’on veut ; elle est très solide et très régulière.

Une machine à coudre fait à peu près l’ouvrage de six femmes ; mais quand l’objet, par exemple une chemise, est un peu compliqué, on est obligé d’employer trois ouvrières : l’une fait aller la mécanique, les deux autres appiècent la chemise, c’est-à-dire en assemblent et en faufilent les diverses parties. L’économie de temps ou d’argent, car c’est tout un, se trouve ainsi réduite à la moitié : trois femmes avec une machine font dans une journée la besogne de six femmes. Il est clair que c’est l’enfance de l’art, et qu’on atteindra une vitesse beaucoup plus grande. L’achat de la machine est assez dispendieux. Les bons fabricans vendent 500 fr. Les machines les plus simples, et jusqu’à 900 fr. Les machines à coudre le cuir. Tous ces prix seront réduits de moitié à l’expiration des brevets. On arrivera aussi à établir assez solidement les appareils pour supprimer en grande partie les frais d’entretien. Avec de bons instrumens et des ouvrières exercées, il est possible d’obtenir d’une seule machine dix-huit chemises par jour, ce qui abaisse la façon d’une chemise à 20 centimes. Il faut quatre heures à une ouvrière pour faire à la main une chemise pareille.

Après d’assez longues hésitations, l’habitude de coudre à la mécanique tend à se généraliser. Tant que les machines coûteront cher à cause des brevets, il sera difficile aux ouvrières isolées d’en faire l’acquisition ; au contraire, les prisons, les couvens, les régimens, quelques ateliers particuliers, en seront promptement pourvus. Il y en a déjà un assez grand nombre à la prison de Saint-Lazare à Paris ; presque toutes les maisons centrales, presque tous les régimens en ont acheté. Sans doute les régimens ne travaillent point pour le