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verons pour la fin et nous ferons d’abord la revue des troupes légères en commençant par les industries qui se rapportent à l’habillement et à la toilette, car c’est toujours là qu’en reviennent les femmes, et elles sont comme égarées dans les travaux d’une autre nature.

Les travaux que nous allons énumérer ne se font pas tous à domicile, et la petite industrie a ses ateliers comme la grande; mais ces ateliers diffèrent par des caractères essentiels des immenses ruches laborieuses qui se groupent autour des usines. Ce qui donne une physionomie toute spéciale aux ateliers de femmes dans les filatures et les tissages mécaniques, c’est d’abord le grand nombre des ouvrières qu’ils emploient, ensuite le prix élevé des machines et du combustible. Une telle agglomération ne permet guère au patron de se mettre en rapport avec ses ouvrières ; le service doit être régulier, la discipline inflexible. Quels que soient l’état de santé ou la disposition morale, il faut obéir au même règlement et faire le même travail aux mêmes heures. Le patron ne pourrait pas, quand il le voudrait, se montrer indulgent, car il a son fourneau qui lui dévore de la houille, ses machines qui représentent l’intérêt d’un gros capital. Tout chômage, général ou partiel, n’est pas seulement pour lui un manque de gain, c’est une perte réelle; il est donc obligé par une loi impérieuse d’utiliser tout le temps et toutes les forces de ses ouvrières. Les ateliers où la vapeur n’a pas pénétré sont dans des conditions beaucoup plus douces. La plupart sont formés par la réunion de sept ou huit femmes causant ensemble pendant que leurs doigts agiles poussent l’aiguille sans relâche. Elles n’ont pas ou elles ont rarement des contre-maîtres, des hommes occupés avec elles dans le même atelier ou travaillant dans un atelier voisin pour la même fabrique; elles ne se sentent pas emportées violemment en dehors de leurs relations, de leurs habitudes et de leurs occupations naturelles. En un mot, les ateliers de la petite industrie sont comme un intermédiaire entre le régime des manufactures et la vie de famille.

Il n’y a pas lieu de distinguer les professions qui s’exercent en atelier et celles qui occupent les femmes à domicile, parce qu’on travaille des deux façons dans presque tous les corps d’état. L’entrepreneuse a un petit atelier auprès d’elle pour les ouvrages difficiles qui doivent être faits sous sa surveillance immédiate; elle donne le reste à emporter. Quelquefois même cette organisation n’a rien de fixe; l’atelier se forme pour un travail pressé et important; il se dissout, ce travail fini, sauf à se recomposer dans les mêmes conditions. Cette double forme, du travail en atelier et du travail à la maison, se rencontre jusque dans les manufactures. On se ferait par