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villages, surmontant tous les obstacles et marchant avec une régularité désespérante. Ce pays semblait voué à une destruction imminente, quand, vers la fin du siècle dernier, Brémontier imagina de fixer ces dunes au moyen de semis de plus maritimes. Il réussit au-delà de ses espérances : les sables jadis mouvans furent maintenus par les racines, pendant que les vents vinrent se briser contre les tiges des jeunes arbres. Ces semis, continués avec persévérance depuis ce moment, couvrent aujourd’hui plus de 40,000 hectares, et forment des forêts qui ne sont pas seulement le salut du pays, mais qui en font la richesse.

Le pin maritime produit une grande quantité de résine, avec laquelle on fabrique la térébenthine, la colophane, le goudron, etc., et l’extraction de cette résine est devenue dans ce pays une industrie assez lucrative. On la pratique au moyen de quarres ou entailles longitudinales faites du haut en bas de l’arbre, de manière à entamer le bois sur une épaisseur d’un centimètre environ. La résine qui s’écoule par cette blessure est recueillie dans un vase placé au pied, que le résinier enlève chaque semaine en même temps qu’il vient rafraîchir la plaie. Cette opération, appelée gemmage, ne paraît pas altérer sensiblement la végétation du pin maritime, quand on ne fait pas plus de deux quarres par arbre ; elle diminue, il est vrai, l’épaisseur des couches annuelles, mais rend par cela même le bois plus ferme et plus résistant. Quand on entaille le pin sur toutes les faces à la fois, il périt au bout de quelques années : on dit alors qu’il est gemmé à mort. C’est ce qu’on fait sur les arbres destinés à tomber prochainement dans les exploitations. Les autres, gemmés à vie, peuvent végéter jusqu’à l’âge de cent ou cent vingt ans. C’est vers vingt ans qu’on commence à gemmer les pins; à partir de ce moment, on peut obtenir annuellement par hectare 350 kilogrammes de résine liquide et 200 kilogrammes de résine coagulée, appelée barras, valant ensemble 110 fr. Les frais d’exploitation s’élèvent à 44 fr.; il reste 06 fr. de bénéfice net. L’état et la plupart des propriétaires afferment le gemmage de leurs pineraies pour une période de cinq années, à raison de 20 à 30 centimes par arbre et par an.

Les visiteurs de l’exposition agricole de 1860 ont pu se rendre compte de visu de toutes les opérations que comporte l’extraction de la résine, et même de l’ensemble des travaux de la culture dans les Landes. M. Léopold Javal, député au corps législatif et propriétaire du domaine d’Ares, dont l’étendue est de 3,000 hectares, avait eu l’heureuse idée de mettre sous les yeux du public un spécimen complet des productions de ce pays et de lui montrer un nouvel et frappant exemple du triomphe de l’homme sur la nature. A côté d’un fragment de la lande, avec ses couches superposées de sable et