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section opposée, et pour y substituer le liquide conservateur. Le liquide placé dans le réservoir est en général une dissolution de sulfate de cuivre, dans la proportion de 1 kilogramme de sel pour 100 kilogrammes d’eau. C’est celui auquel de nombreux essais ont fait donner la préférence, car il assure au bois une durée à peu près indéfinie. Voici à ce sujet l’opinion des administrateurs du chemin de fer du Nord devant le jury de l’exposition universelle de 1855 : «Les traverses injectées, en service depuis 1846, sont aujourd’hui comme le jour où elles ont été posées, et il n’est pas possible d’assigner de limite à leur durée. » D’un autre côté, l’administration des télégraphes a constaté que 230,000 poteaux, dont la préparation remonte à 1844, sont encore dans un état parfait de conservation, tandis que les poteaux non injectés sont hors de service au bout de trois ou quatre ans.

Cette découverte, qui avait entraîné l’inventeur dans des dépenses considérables, a été jugée assez importante pour motiver en sa faveur une exception, peut-être unique, à l’ancienne loi sur les brevets d’invention. Le brevet pris par lui le 10 juin 1841, qui devait expirer fatalement quinze ans plus tard, c’est-à-dire le 10 juin 1856, a été, par une loi spéciale, prorogé de six années : il assure ainsi jusqu’en 1862 à M. Boucherie les bénéfices exclusifs de son invention. M. Boucherie a, moyennant une redevance de 3 fr. par mètre cube de bois injecté, cédé ses droits à une compagnie qui a établi des chantiers dans la plupart de nos grandes forêts, notamment dans celles de Compiègne, de Villers-Cotterets, de Lyons. Outre cette redevance, le prix de l’injection est par mètre cube de 13 fr. 70 c. A côté de nombreux avantages, le système de M. Boucherie présente cependant un grave inconvénient: c’est la nécessité où l’on se trouve d’opérer sur des bois en grume, c’est-à-dire encore recouverts de l’écorce : il en résulte une augmentation de dépense, puisqu’il faut injecter plus de matière qu’on n’en peut utiliser. De plus cette matière devient fort dure et très difficile à travailler. Néanmoins, au point de vue de la conservation proprement dite, ce procédé paraît l’emporter de beaucoup sur ceux dont nous venons de parler. Cela tient à ce que l’opération est effectuée sur des bois encore verts, et que, dans ces conditions, le sulfate de cuivre forme; avec les substances diverses qu’ils renferment, des combinaisons inaltérables qui résistent à tous les lavages. Il n’en est pas de même quand on injecte des bois secs, puisqu’il ne se produit ici qu’une simple interposition, entre les fibres du bois, du liquide conservateur, qui peut à la longue être entraîné par les eaux.

Toutes les essences ne sont pas également aptes à se laisser pénétrer. Le hêtre, le bouleau, le peuplier, le sapin, l’épicéa, tiennent