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III.

Le bois, qui est d’un usage si général, est malheureusement d’une durée restreinte. Sous l’influence des changemens de température, il travaille, se tourmente et se fend; exposé à l’humidité, il pourrit rapidement; plongé dans l’eau ou conservé dans des lieux secs, il est attaqué par des insectes qui le perforent de tous côtés. De tout temps on s’est appliqué à lutter contre ces causes de destruction, et des moyens sans nombre ont été employés pour donner au bois une plus grande durée. Dans un mémoire à l’Académie des Sciences, Buffon rapporte que, Vitruve ayant émis l’opinion que les arbres écorcés sur pied et abattus seulement après leur mort sont préférables, comme résistance et durée, aux arbres abattus encore verts, et donnent des charpentes beaucoup meilleures, il résolut de vérifier ce fait. Les expériences auxquelles il se livra confirmèrent entièrement les assertions de l’architecte romain. « La cause physique de cette augmentation de solidité et de force, dit Buffon, se présente d’elle-même; il suffit de savoir que les arbres augmentent en grosseur par couches additionnelles de nouveau bois qui se forment entre l’écorce et le bois ancien. Nos arbres écorcés ne forment point ces nouvelles couches, et quoiqu’ils vivent encore après l’écorcement, ils ne peuvent grossir. La substance destinée à former le nouveau bois se trouve donc arrêtée et contrainte de se fixer dans tous les vides de l’aubier et du cœur même de l’arbre, ce qui en augmente nécessairement la solidité, et doit par conséquent augmenter la force du bois, car j’ai toujours trouvé, par plusieurs épreuves, que le bois le plus pesant est aussi le plus fort. » L’emploi de ce procédé ne s’est néanmoins pas généralisé, parce qu’il paraît que les bois ainsi obtenus sont très sujets à se fendre.

Dans les arsenaux maritimes, où des approvisionnemens considérables de bois précieux sont accumulés en attendant qu’ils soient mis en œuvre, on les enfouit dans les vases molles du littoral, afin de les mettre à l’abri du taret naval, sorte de ver qui creuse ses galeries dans l’intérieur des pièces et cause les plus grands dommages. Dans un mémoire adressé à l’Académie des Sciences en 1848, M. de Quatrefages avait proposé de conserver ces bois dans des bassins spéciaux contenant une certaine quantité de sublimé corrosif. Un demi-kilogramme de cette substance pour 20,000 mètres cubes d’eau suffit pour détruire la fécondation des œufs du taret et empêcher sa reproduction.

La peinture à l’huile, le goudron, ont également pour but d’empêcher la décomposition des bois, en les mettant à l’abri du con-