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passer en revue les divers travaux d’exploitation qu’elles comportent, et de suivre l’arbre dans les transformations qu’il doit subir avant d’être appliqué par l’industrie humaine aux emplois les plus variés.


I.

Un propriétaire de forêts peut tirer parti de deux manières des produits qu’elles fournissent. Il peut ou les consommer personnellement ou les vendre. Pour les particuliers, la consommation directe est exceptionnelle et restreinte à certains cas spéciaux, comme celui où le propriétaire, étant maître de forges, trouverait dans ses usines un débouché assuré pour ses bois. Il n’en est pas de même des communes, pour qui la jouissance en nature est au contraire la règle générale. La plupart des communes en effet, au lieu de considérer leurs forêts comme une source de revenus réguliers, partagent entre les habitans, sous le nom d’affouage, les produits de la coupe annuelle[1]. Cet usage, qui date d’une époque où le bois avait encore très peu de valeur et où le commerce était impuissant à garantir l’approvisionnement des marchés, est fort onéreux pour les communes, tout en n’offrant aux habitans qu’un avantage souvent illusoire. Toutefois ce ne serait pas sans danger qu’on chercherait à le supprimer d’autorité, car des tentatives de ce genre ont occasionné plus d’une sanglante émeute. Il faut attendre cette réforme non de la force, mais de la diffusion des lumières, qui finira par montrer à tous que ces délivrances prétendues gratuites ne sont en réalité qu’une déception. Toute commune en effet a des dépenses à faire, elle a des employés à payer, des rues à paver, des chemins à entretenir, des écoles à construire, des églises à réparer, des fontaines à élever; or, si elle est privée du revenu que ses forêts pourraient lui fournir, il faut bien qu’elle se procure soit par l’octroi, soit par des centimes additionnels, les sommes dont elle a besoin. Elle prend donc d’un côté ce qu’elle donne de l’autre, et l’habitant, qui paie sous forme d’impôt la valeur, et au-delà, des bois dont il s’imagine jouir gratuitement, ne bénéficie en aucune façon de cette espèce de communisme. La classe réellement pauvre y est peut-être moins intéressée encore que toute autre, puisque pour avoir droit à l’affouage il faut avoir un foyer (focus) et par conséquent être dans une posi-

  1. On appelle coupe annuelle la quantité de bois que l’on peut exploiter chaque année dans une forêt sous la condition d’en maintenir la production constante. Cette quantité, déterminée par l’aménagement, est, suivant le mode de traitement adopté, basée sur le volume de bois à abattre ou sur l’étendue boisée à exploiter, et exprimée par conséquent soit en mètres cubes, soit en hectares.