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colorés, nos bois n’en sont pas moins utiles, et l’examen de cette collection, où toutes les essences françaises étaient représentées, suffisait pour prouver qu’après tout la nature s’était encore montrée prodigue à notre égard. Bois de constructions navales, civiles et hydrauliques, bois d’industrie et de travail, bois de fente, bois de feu et bois de charbonnage, nous possédons de quoi faire face à peu près à tous nos besoins, et n’avons rien, sous ce rapport, à envier à personne. Nos essences si variées ont des exigences diverses qui expliquent la merveilleuse souplesse de la culture forestière et permettent de tirer parti des terrains les plus rebelles à toute autre production. Depuis le chêne au grain serré, à la fibre résistante, qui veut des terres fortes et profondes, jusqu’au saule au tissu lâche et mou qui croît dans l’eau ; depuis le sapin qui couronne les cimes toujours vertes de nos montagnes jusqu’à la bruyère qui végète à son pied, il n’est pas un arbre, pas un arbrisseau de nos forêts qu’on ne puisse utiliser d’une manière quelconque, et qui n’ait trouvé place dans cette curieuse collection[1].

En face des bois indigènes étaient groupés les instrumens de toute nature employés à la culture et à l’exploitation des forêts. Ces charrues spéciales destinées à retourner un sol sillonné de racines et à le préparer pour l’ensemencement, ces bêches circulaires faites pour arracher les jeunes plants qu’on veut transporter ailleurs, ces plantoirs pour faire des trous, ces haches de forme bizarre, ces cognées au manche allongé, ces scies de toute espèce, étaient pour les visiteurs des outils inconnus, et leur dévoilaient en quelque sorte un coin de l’existence humaine qu’ils n’avaient pas encore entrevu. C’est qu’en effet ces hommes qui passent leur vie au fond des forêts, dont l’occupation exclusive est d’abattre les arbres, de les scier en planches, de les équarrir en pièces de charpente, de les débiter en bois de feu, de les façonner enfin de mille manières pour les approprier à notre usage, les travailleurs forestiers en un mot forment une population presque inconnue du plus grand nombre, et l’on se sert journellement des objets qu’ils fabriquent sans se demander par quelles mains ces utiles produits ont dû passer. Après avoir dans des études précédentes[2] exposé les principes de la culture des forêts et recherché le mode de traitement qui leur convient eu égard à la qualité du propriétaire, il ne sera donc pas inutile aujourd’hui de

  1. La réunion de tous ces échantillons était due aux soins de M. Mathieu, professeur d’histoire naturelle à l’École forestière, qui avait également exposé une carte indiquant la distribution des forêts sur le sol de la France. Une carte géologique placée à côté de celle-ci permettait de saisir la relation intime qui existe entre cette distribution et la constitution des différens terrains sur lesquels les forêts sont assises.
  2. Voyez la Revue du 1er février et du IS juin 1859, du 15 janvier et du 1er juin 1860,