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sur ce dernier point, car il est à notre connaissance personnelle que, parmi les meilleurs esprits et les plus intéressés dans la question, l’opinion que l’état ne pourrait pas remplir le rôle d’un exploitant semble prévaloir. Dans l’hypothèse du rachat des chemins de fer (on ne voit pas d’autre remède aux embarras où se trouvent les compagnies), l’état, dit-on commettrait le soin et les charges de l’exploitation à des compagnies fermières. Ce changement ne pourrait cependant se justifier qu’autant que l’état aurait fait par le rachat une bonne opération financière ; or nous pensons avoir démontré que cette opération serait de nature à porter un coup funeste à ses finances et à son crédit. Du reste, la constitution de ces compagnies fermières ne se ferait pas sans de très gros embarras, car, sans compter qu’il est assez difficile d’isoler actuellement dans un réseau le revenu afférent à chaque tronçon, les compagnies fermières auraient à subir les conséquences de la concurrence qu’elles seraient appelées à se faire entre elles, et elles ne trouveraient peut-être pas de capitaux pour courir l’aventure des premières épreuves. Le remaniement, l’abaissement des tarifs, les bases mêmes des contrats à établir pour l’usage des chemins, l’entretien et l’amortissement du prix du matériel et de la voie, l’unité de redevance à fixer, tous ces élémens nécessaires à la constitution des compagnies fermières sont encore, autant d’inconnues qui laisseraient de grands risques à courir. Je ne crois pas en outre que l’exploitation des compagnies ait encore formé un personnel assez considérable pour constituer l’élément industriel des associations diverses et nombreuses qui devraient s’organiser pour prendre à bail les lignes fractionnées des chemins de fer.

Nous avons essayé, de démontrer ou plutôt de faire comprendre qu’en rachetant l’usufruit des concessions, c’est-à-dire une propriété qui doit un jour lui revenir, l’état ferait une déplorable opération financière, et que personne ne trouverait dans ce changement la satisfaction que l’on espère y rencontrer. Nous ne croyons pas que des compagnies fermières vinssent en aide à l’état dans les difficultés financières qu’il aurait assumées, et que ce changement dans la forme des compagnies donnât aucun résultat favorable à la chose publique. Que l’on nous permette encore une dernière considération. Par le rachat des chemins, l’esprit d’association, qui est le grand principe civilisateur de notre époque, serait atteint dans la plus grande œuvre qu’il ait créée, et il ne se relèverait pas de ce coup funeste. Tout ce qui reste encore à faire avec son aide, et ne peut se faire sans lui, avorterait infailliblement, car c’est une étrange erreur de penser qu’en débarrassant la situation économique de l’œuvre qui est à la charge, des compagnies de chemins de fer, l’esprit d’association,