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compagnies, à 137 millions. Quant au second réseau, bien que les sections déjà livrées à l’exploitation soient loin de produire les recettes qu’on en espérait, bien que sur ce nouveau réseau les tarifs eussent à subir une réduction analogue à celle que nous avons constatée sur l’ancien réseau, nous admettrons, avec le rapporteur de la loi de 1859, que chaque kilomètre donnera un revenu net de 7,000 fr., soit, pour 8,578 kilomètres, 60,046,000 fr. Le total des revenus que produiront les chemins de fer entre les mains de l’état s’élèvera donc à environ 197,016,000 francs. Ainsi le bilan, qu’on nous permette le mot, du rachat des chemins de fer s’établit comme suit :


Intérêts de la dette inscrite pour et par suite du rachat 337,000,000 fr.
Revenus donnés par les chemins 197,046,000
Perte annuelle pour l’état 140,946,000 fr.

On le voit, entre les intérêts que l’état aurait à payer pour le rachat et les revenus qu’il retirerait des lignes rachetées, il existerait une différence de 140 millions qu’il devrait inscrire chaque année à son budget et se procurer par d’autres moyens que l’exploitation des chemins de fer. Et loin de s’atténuer par l’activité du mouvement commercial et industriel, par l’accroissement des transports, cette perte serait encore augmentée par suite d’un entraînement auquel le gouvernement ne saurait pas résister ! De tout temps l’état nous a habitués en effet à l’usage gratuit des voies de communication. Sur les chemins de fer où la locomotion exige l’emploi d’un matériel fixe et roulant d’un prix élevé, d’un entretien difficile et coûteux, la gratuité ne saurait être absolue, parce que le monopole des transports sur les chemins de fer a pour conséquence le monopole des véhicules, ce qui n’existe pas sur les voies ordinaires, où chacun peut circuler avec les voitures et les charrettes qui lui appartiennent ou qu’il loue ; mais il n’en est pas moins à craindre que l’état ne soit entraîné à ne plus retirer des voies ferrées dont il sera propriétaire que le revenu nécessaire à couvrir les frais d’exploitation. Le rachat des canaux, voté dans la dernière session du corps législatif, n’est-il pas un précédent sur lequel s’appuieront plus tard les partisans de la gratuité ?

Cependant l’état aura racheté les chemins en exploitation avec de la rente à 70 francs, et emprunté à 5 pour 100 pour terminer les réseaux. Ayant donc à servir les intérêts d’une dette qui ne lui donnera pas de revenus rémunérateurs pour son service, il sera obligé de combler ce déficit par une augmentation des impôts directs et indirects, c’est-à-dire de faire peser l’impôt du transport sur toute l’étendue du territoire. Cette aggravation des charges