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aux capitaux disponibles, c’est-à-dire aux capitaux de placement, fruit des économies du pays, et font une concurrence incessante au trésor en contractant des emprunts qui présentent autant de sécurité que ceux de l’état lui-même, car ils reposent sur la même garantie, l’impôt, sans cesse alimenté par la prospérité publique. En outre, les événemens politiques peuvent devenir menaçans, et la durée de la paix n’est rien moins qu’assurée. En présence de toutes ces complications tant intérieures qu’extérieures, pendant la période de dix ans qui va suivre, peut-on espérer que l’état empruntera à un taux inférieur à celui de son dernier emprunt, c’est-à-dire au-dessous de 5 pour 100 ? La garantie de l’état de 5 pour 100 sur les chemins de fer algériens, trouvée, dit-on, insuffisante par le public, n’indique-t-elle pas un symptôme bien caractéristique de ces exigences nouvelles des capitaux ? Non, l’état ne pourra pas emprunter au-dessous de 5 pour 100, et ce ferait pour se substituer aux compagnies, auxquelles il ne garantit que 4, 65 pour 100, qu’il ferait une pareille opération ! Cependant nous avons vu déjà qu’en expropriant le revenu des chemins de fer, l’état donnera un capital supérieur à celui représenté par le cours de leurs actions, parce que la capitalisation s’en fait à 6 pour 100 à peu près, et que le 3 pour 100 à 70 francs ne produit que 4, 66. Ne peut-on pas dès lors appréhender que les porteurs bénéficiaires de ces titres ne s’empressent de les vendre pour réaliser leur plus-value, et placer, au détriment de la rente, ces capitaux réalisés dans des emplois plus lucratifs ? Que deviendrait dans cette épreuve le crédit de l’état, dont le papier serait alors offert pour une somme de plusieurs milliards, et qui aurait constamment besoin d’avoir recours aux emprunts ?

Mais continuons notre examen. Ces 2 milliards 500 millions devant coûter 5 pour 100 d’intérêt, le compte des revenus à servir par l’état pour le rachat s’établit ainsi :


Annuité à payer aux ayant-droit des compagnies d’après le revenu de 1859, ancien réseau 212,000,000 fr.
Intérêts de l’emprunt de 2 milliards 500 millions, au minimum, pour l’achèvement du second réseau, à 5 pour 100 125,000,000
Total des intérêts qui viendraient à la charge de l’état. 337,000,000 fr.

Par compensation, quels revenus l’état pourra-t-il retirer des chemins de fer quand il en aura pris possession ? On a précédemment constaté que, par suite de la réduction des tarifs et de la suppression de certains impôts actuellement payés par les compagnies, l’état aurait à supporter sur les revenus de l’ancien réseau une perte que nous avons évaluée, au minimum, à 75 millions, ce qui réduit le produit de l’ancien réseau de 212 millions, chiffre perçu par les