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une somme supérieure au titre auquel il sera substitué. Pour prendre un exemple, une action de la ligne de Paris à Lyon, produisant 54 francs de revenu, doit valoir 900 francs si on la capitalise à 6 pour 100 ; en la rachetant et la capitalisant à 4, 65 pour 100, c’est-à-dire avec de la rente 3 pour 100 à 70 francs, l’état donnera en échange un capital de 1, 260 francs. Le même calcul s’applique aux obligations. Nous devons supposer que l’annuité à servir par l’état sera représentée par du 3 pour 100, car, en constituant des titres spéciaux et particuliers dont l’expérience a démontré les inconvéniens, l’état courrait pour son crédit précisément les mêmes dangers auxquels il soustrairait les compagnies. Ne s’occupe-t-on pas en effet, pour arriver à l’unité de titre de la dette publique, de la conversion du 4 1/2 en 3 pour 100 ? En outre, en fixant à 70 fr. le taux auquel serait compté ce 3 pour 100, nous nous tenons en dehors des fluctuations du cours de la Bourse, que mille circonstances imprévues, sans parler de la mesure même du rachat, peuvent dominer ; nous prenons la moyenne de l’émission des emprunts faits dans ces dernières années, qui donne à peu près ce chiure. Nous sommes d’ailleurs amené à le prendre pour base de nos calculs par une autre considération qui, nous l’espérons, paraîtra importante : c’est qu’il représente, a 1 centime près, le taux de la garantie de 4, 65 accordée par l’état aux compagnies. Le 3 pour 100 à 70 fr. produit en effet 4 fr. 66 c. pour 100 d’intérêt.

Sur ces données, procédons à l’opération du rachat : 212 millions de revenu rachetés en 3 pour 100, au taux de 70 francs, représentent un capital de 4 milliards 947 millions de francs, auxquels il convient d’ajouter[1] la somme à emprunter à dater du 1er janvier 1860 pour terminer les réseaux, soit 2 milliards 500 millions : en tout sept milliards quatre cent quarante-sept millions, voilà quel serait le coût du rachat des chemins de fer actuellement concédés ! On verra plus loin comment ce chiffre doit s’accroître encore ; mais il faut calculer avant tout ce que cette somme peut produire dans les mains de l’état.

La première conséquence du rachat sera évidemment un abaissement dans les tarifs, abaissement déjà réclamé des compagnies par le gouvernement lui-même. Il portera d’abord sur les matières premières, la houille, le coton, la laine, le chanvre, le lin, les minerais, les matériaux de construction, les engrais, les céréales, etc. On peut s’assurer que, sur la masse générale des transports opérés sur toutes les lignes, ces matières premières donnent le tiers au

  1. En ne comprenant pas dans notre calcul l’emprunt émis cette année par les compagnies, puisque notre opération prend sa date en 1859.