Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/966

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consolider le prix des actions. On a en conséquence réservé à l’ancien réseau une sorte de privilège sur les revenus qu’il donne, et la portée de cette réserve n’a peut-être pas été d’abord interprétée dans son véritable sens par les intéressés ; elle n’engage en effet en aucune façon ni l’état ni les compagnies, et laisse le champ libre à toutes les éventualités. La loi n’a donc pas résolu le problème financier qui lui a donné naissance, car la véritable question était d’assurer aux compagnies des moyens sûrs et réguliers de se procurer dans des conditions favorables les capitaux nécessaires a l’exécution des lourds engagemens auxquels elles ont consenti. Or l’aide que le gouvernement, dans sa juste sollicitude, a voulu leur prêter ne va pas plus loin que cette garantie d’intérêt de 4,65 pour 100, qui paraît devoir être effective, et cette garantie est inférieure au taux des emprunts des compagnies. Voilà sommairement ce qu’ont voulu établir des publications importantes dont il a été rendu compte dans la Revue[1]. La situation de la grande industrie des chemins de fer ayant été ainsi dévoilée le lendemain du vote d’une loi qui n’avait pas été précédé d’une discussion devant l’opinion publique, on ne doit pas s’étonner de l’émotion que causèrent des écrits qui, avec plus ou moins d’autorité, l’expliquaient et la commentaient.

Toutefois les propositions contenues dans ces écrits n’éveillèrent qu’un sentiment de curiosité : aucune ne put rallier toutes les opinions. Les anciens partisans de la construction et de l’exploitation des chemins de fer par l’état ont cru alors le moment opportun pour remettre en honneur des théories qui semblaient irrévocablement condamnées, et ils ont répandu l’idée que tous les problèmes financiers posés par l’achèvement et l’extension des réseaux de nos voies ferrées seraient résolus, si l’état expropriait les compagnies pour faire face à leurs engagemens avec son crédit, ses ressources de toute sorte, aidé aussi de la faveur publique, qui ne manquerait pas de s’attacher à une mesure où tous les intérêts trouveraient une ample satisfaction.

En 1848, cette idée du rachat des chemins de fer par l’état avait pu se montrer au grand jour ; elle faisait partie du programme financier du gouvernement provisoire et de la commission exécutive. Les compagnies, qui avaient traversé, de 1845 à 1848, une fatale période, ne voyaient dans la confusion universelle aucun moyen de parer à leurs embarras présens, de faire face aux embarras plus grands encore de l’avenir ; elles acceptaient cette dépossession à prix d’argent comme un remède héroïque qui devait les préserver

  1. Simple exposé de quelques idées financières et industrielles, M. Bartholony. — De la création d’un grand-livre des chemins de fer. — Solution de la question des chemins de fer. — Voyez, sur ces publications, la Revue du 1er avril 1860.