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primaire à tout homme dont il exige l’obéissance et le concours. Il m’est difficile même de comprendre les scrupules qui refusent de le rendre obligatoire pour toutes les familles françaises. C’est pour cela que, dans plusieurs au moins de ces États-Unis qui ne sont pas une terre de centralisation, l’éducation populaire est une dépense de l’état ; c’est pour cela que le parlement britannique s’est honoré par la réorganisation des national schools, c’est pour cela qu’en France l’établissement des écoles communales est prescrit par la loi générale, surveillé et réglé par l’autorité publique, soutenu enfin parle concours des communes, des départemens et de l’état.

C’est assez pour montrer combien d’affaires peuvent être locales sans l’être exclusivement, et combien il serait hasardeux de disséminer à la surface de la France une infinité de centres isolés qui ne connaîtraient ni règles ni contrôle. Mais enfin n’y a-t-il donc pas d’affaires exclusivement locales ? Sans doute il y en a, et il suffit d’ouvrir un budget départemental ou municipal pour en connaître. Rien donc au premier abord ne paraîtrait plus simple que de livrer sans restriction les affaires locales aux autorités locales. Toutefois, si celles-ci restent indépendantes dans leur gestion, l’état de son côté, ayant des affaires dans les localités, aura partout, jusque dans le moindre hameau, des délégués, des missi dominici, qui se trouveront en concurrence et peut-être en collision avec les agens de la municipalité. N’est-il pas plus naturel d’avoir des fonctionnaires institués à deux titres, employés à deux fins ? C’est ainsi que les préfets, en représentant l’état dans les départemens, sont devenus les hommes des départemens auprès du pouvoir central, et que les communes ont prêté leurs maires au gouvernement pour l’exécution d’un bon nombre d’opérations qui l’intéressent. Tout le monde connaît ces services mixtes, jugés dès longtemps préférables à une séparation absolue que les choses peut-être ne comporteraient pas plus que les personnes. On ne peut contester aux partisans de la centralisation, et notamment à son plus récent défenseur, que les lumières administratives, que les connaissances économiques, que l’esprit de justice même et le respect des droits ne soient plus communs dans une capitale que dans une bourgade. Si l’on tient à une certaine égalité dans la gestion des intérêts collectifs, on ne peut guère abandonner sans contrôle les innombrables autorités auxquelles on est forcé de la commettre. Il y a, je crois, une excessive sévérité dans le tableau qu’on nous présente des iniquités et des griefs qu’engendre le contact mutuel dès membres d’une société restreinte. Il serait triste que les hommes parvinssent à ne se point. haïr, à ne se point persécuter, qu’à la seule condition de ne se pas