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temps et de suivre la fortune. Il est vrai que, rencontrant du côté de sa thèse à peu près tous les gouvernemens que nous avons traversés, il ne regarde ni comme insignifiante, ni comme fortuite, cette constance des événemens à pousser le pouvoir dans la même direction, et se résigne, quoi qu’il en coûté, à soutenir les choses sans les personnes. C’est quoique et non parce que qu’il se trouve adopter un thème habituellement officiel. L’unité de la France contre le démembrement local et la prédominance de l’état sur les particuliers, voilà pour lui la centralisation ; le reste est pur accident.

Même dans ces termes, il nous est impossible de ne pas marquer notre dissidence. Nous croyons à la force de la centralisation, nous admettons qu’à certains égards elle n’a pas atteint son terme, nous voyons qu’elle est chère à tous les gouvernemens sans distinction et commode au pays sous certains rapports : c’est pour cela que nous ne comprenons pas le besoin de la défendre. Dès qu’une grande puissance se montre, c’est de ses abus et de ses excès qu’il faut se préoccuper. Obligés de tolérer, de concéder beaucoup de centralisation, notre souci est de parer aux dangers qu’elle peut avoir, et de chercher surtout ce qu’on peut lui reprendre, lui soustraire et lui opposer. Nous ne différons guère sur les faits avec M. Dupont-White, mais ce qui le rassure nous alarme. Il regarde couler le fleuve avec complaisance, et nous demandons où sont les digues.


I

Il y a trois manières de justifier la centralisation en France, par la philosophie politique, par l’histoire, par l’observation de l’état présent du pays et généralement des sociétés modernes. Disons sur-le-champ que de ces trois points de vue le dernier est celui qui nous rapproche le plus de l’auteur. Les choses nous paraissent à peu près comme il les voit. C’est la comparaison des avantages et des inconvéniens qui nous divise, peut-être parce que nous ne sommes pas d’accord sur la philosophie et sur l’histoire. Il suit que nous serions peut-être moins séparés dans la pratique, à quelques restrictions près, que dans la théorie. Il n’est pas rare, au reste, que les partis diffèrent moins que les écoles. Ainsi qu’on est conduit au même point par des chemins divers, la même résolution ne suppose pas toujours les mêmes motifs, des argumens très variés produisent une conclusion identique, et surtout des théories qui ne se ressemblent pas amènent des esprits de toute sorte à une semblable politique. Un parti est autre chose qu’une secte ; il ne joue un rôle dans le monde que lorsqu’il est multiple dans ses élémens, et qu’il coalise pour un certain but une multitude assez disparate de sentimens et